La MC93 de Bobigny, dans ses habits neufs, veut s'ouvrir sur la ville
Sur le boulevard Lénine, face à la cité Karl Marx, l'architecte Vincent Brossy a fait tomber les murs de la "citadelle imprenable" pour laisser place à un édifice vitré, enveloppé d'un manteau doré. "Une lanterne magique ouverte sur la ville", dit celui qui a orchestré la vaste transformation - 18,6 millions d'euros - de l'ancienne Maison de la culture, sortie de terre en 1980 sous la baguette d'une municipalité communiste soucieuse de démocratiser l'accès à la culture en général, et au théâtre en particulier.
Trente-six ans plus tard, l'objectif d'Hortense Archambault, à la tête de la MC93 depuis 2015 après dix années passées à codiriger le festival d'Avignon, est simple : "Faire venir le plus de monde possible" dans ce lieu qu'elle a conçu comme un îlot de liberté et de création, au coeur d'un territoire qui cumule les difficultés.
Un hall de 720 m2 imaginé avec les habitants
Symbole de cette volonté d'ouverture : le hall de 720 m2 baigné de lumière, dont l'organisation a été imaginée avec les habitants de cette ville-préfecture sans centre-ville, où les lieux de sociabilité manquent cruellement. Du mardi au samedi, de midi à 18h, ils pourront s'y restaurer, flâner dans le coin librairie, assister à une lecture publique et, pourquoi pas, y travailler ou y faire leurs devoirs, installés sur des banquettes aux couleurs acidulées."Si les gens viennent dans le hall, même s'ils n'entrent pas dans la salle, ce sera déjà ça", affirme la directrice.
Pour les aider à franchir le pas, Hortense Archambault a décidé de reconduire le passe illimité à sept euros par mois pour les habitants du département. Elle a aussi eu l'idée d'une crèche les samedis pour les parents qui voudraient aller au spectacle.
Un travail long et complexe pour amener le public populaire
"A côté de ça, il y a les barrières psychologiques, le 'c'est pas pour moi, ça ne me regarde pas, je ne comprendrai pas'. Là, le travail est plus long et plus complexe", admet celle qui s'est attachée à tisser des liens forts avec le territoire grâce au projet la "Fabrique d'expériences" (850 ateliers par an).Forte de trois salles de spectacle modulables, la nouvelle MC93 se présente comme un outil de création de 11.000 mètres carrés, "l'un des plus beaux du territoire", dit sa patronne.
La grande salle, qui peut accueillir jusqu'à 1200 personnes, "est la machine théâtrale idéale pour toutes les magies possibles : on peut y faire une piscine ou y faire venir des voitures !", énumère son architecte.
Au dernier étage, un "promenoir" offre une vue imprenable sur les villes alentour et, au loin, Paris et le Sacré-Coeur.
Monique : "Il faudrait montrer des choses plus classiques"
Mardi, le chorégraphe Alain Platel inaugurera la MC93 nouvelle génération avec "Nicht Schlafen", une pièce nourrie de l'oeuvre de Gustav Mahler.Hortense Archambault, qui cultive encore le mystère sur la saison à venir, promet de "grands artistes internationaux" et des spectacles qui "parlent du monde contemporain".
Un programme qui ne sera sûrement pas du goût de Monique, croisée devant ce bâtiment où elle n'a jamais eu ses habitudes. "On n'est pas des 'bobos' de Paris, on n'est pas intellos", "il faudrait montrer des choses plus classiques, à la portée des habitants d'ici, des variétés où des pièces de boulevard", préconise cette retraitée.
Réponse de la directrice : "Je ne pense pas qu'il y ait des spectacles pour un certain type de personnes. Je me dis pas 'Tiens, je vais faire une programmation spéciale pour les Balbyniens, pour les jeunes, pour les gens d'origine musulmane ou pour les Africains'". Et de défendre sa vision du théâtre : "Rassembler, autour d'une émotion partagée."
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