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L'Inventionneur, confessions d'un accro aux réseaux sociaux

Impossible de décoller votre ado de sa page Facebook ou de sa console de jeu ? Et si vous proposiez à votre petit(e) Geek d'aller au théâtre ? Pas pour voir une tragédie classique ou une comédie de boulevard, non... pour découvrir "L'Inventionneur" ! Ce spectacle jeune public, imaginé par la compagnie lyonnaise Le Chromosome 42, met en garde la génération 2.0 contre les dangers d'Internet.
Article rédigé par franceinfo - Céline Pauilhac
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Peter parviendra-t-il à se désintoxiquer d'internet ?
 (DR)

 

Peter passe sa vie enfermé dans sa chambre. Il n'en sort même pas pour aller au lycée puisqu'il prépare son bac par correspondance... Enfin, c'est qu'il assure à sa mère qui le questionne au travers de la porte ! En réalité, cet adolescent consacre toute son énergie aux jeux de guerre en ligne et fréquente assidument les réseaux dits "sociaux". Il possède 600 amis sur Facebook et 4 200 sur Myspace.

Ce personnage est une caricature de ces ados fortement dépendants à l'ordinateur, ces "no life" dont l'addiction affecte les relations sociales et sentimentales. Sans amis, sans projet professionnel, ils se coupent (plus ou moins volontairement) du monde : "J'aime pas sortir, j'aime pas voir les gens", se justifie Peter. Il se vante d'avoir " le monde à portée de clic" : il peut faire ses courses sur Internet, les sites de Poker en ligne lui assurent des revenus réguliers, les sites de rencontre lui offrent des milliers de jolies filles sur un plateau... Il s'est ainsi créé son propre univers virtuel, dont il pense être le maître absolu. Peter rêve sa vie et devient "l'inventionneur" (le mot "inventeur" déformé de façon enfantine) de ses amis, Jacks et Messybelle, deux avatars dont les traits physiques et psychiques ont été programmés sur un logiciel, à la manière des Sims ! Avec eux, il "se fait son film" jusqu'à se déconnecter totalement du monde réel.

Peter se crée des amis sur son ordinateur
 (C. Pauilhac)

L'auteur de cette fable moderne, Rémy.S veut mettre en garde la génération née avec Internet des dangers que ce formidable outil peut parfois représenter. Et ce message semble bien passer auprès des jeunes rhône-alpins qui ont vu L'Inventionneur. En novembre 2011, plus de 300 collégiens et lycéens de Reignier, en Haute-Savoie, ont participé à un débat organisé autour du spectacle. "Certains nous ont avoué qu'ils étaient inscrits sur Facebook uniquement pour ne pas être exclus du reste de leurs camarades, c'est une forme de dictature !", s'indigne Rémy.S.

Entretien avec Rémy.S, directeur artistique de la compagnie Le Chromosome 42, et ses deux acolytes, Margot Blanchet et Cédric Saulnier...

Culturebox : Pourquoi avoir choisi ce titre, "L'Inventionneur" ?

Rémy.S : C'est un mot imaginé par Peter alors qu’il était enfant, la déformation du mot "inventeur". Aujourd’hui, beaucoup d’adolescents créent leur propre vocabulaire… Et puis au niveau de la com’ de la compagnie, c'est super parce que quand tu tapes "inventionneur" sur google, on est les seuls à apparaître, vu que c’est un mot qui n’existe pas ! L’intérêt de ce titre, c’est d’être plus visible sur Internet.


Culturebox : Votre spectacle est pourtant une critique d’Internet ?

Rémy.S : J’avoue qu’Internet et Facebook, ça me fait un peu peur ! Maintenant, les gens règlent leurs comptes par mail au lieu de se parler, certains couples divorcent à cause de Facebook, et je constate que les jeunes perdent le sens du mot "ami". Grâce à certains réseaux sociaux, les gens te "géolocalisent", ils savent si tu n’es plus chez toi, ils peuvent voir ou tu es en temps réel. Le message de L’Inventionneur est : "faites gaffe aux excès" !


Culturebox : Mais le personnage de Peter n’est-il pas caricatural ? Les ados se reconnaissent-ils en lui ?

Rémy.S : On ne dit pas : "Internet c’est pas bien !" ou "Supprimez votre compte Facebook !" Pour nous, ce sont des outils géniaux, mais leur utilisation excessive peut être dangereuse, un peu comme l’alcool ou la cigarette…  C’est surtout l’exposition publique de la vie privée qui est à craindre. Les ados arrivent à se reconnaitre dans le personnage de Peter car, comme lui, ils passent énormément de temps sur Internet. Peter a 600 amis sur facebook, certains de nos spectateurs en ont jusqu’à 4000 !

Cédric Saulnier : Quand on fait des débats avec les jeunes on voit qu’ils ont conscience qu’il faut faire attention avec Internet. Sauf qu’aujourd’hui les réseaux sociaux sont entrés dans un phénomène de mode qui "oblige" la plupart d’entre eux à y aller et certains font n’importe quoi ! Il y a un réel danger au niveau de la vie privée mais sinon pour un usage professionnel, c’est le meilleur outil jamais inventé ! Facebook permet à notre compagnie de faire la promotion d’un nouveau spectacle auprès de centaines de personnes en même temps, et en un seul clic ! C’est beaucoup mieux qu’un mail…


Culturebox : Que représente le seul personnage féminin, celui de Messybelle ?

Margot Blanchet : Je suis la fille idéale, sa meilleur amie, et Peter va tomber amoureux de moi. Il m’a imaginée comme une sorte de Lara Croft, avec un grand cœur, qui le soutient quoiqu’il fasse. Sa relation avec cette jeune fille parfaite lui évite de se confronter à la réalité d’une histoire d’amour…


Culturebox : Expliquez-nous comment vous associez le jeu sur scène à des vidéos projetées sur grand écran. Vous le faisiez déjà dans votre précédente création, Légendaire (remarqué au Festival Off d’Avignon en 2011)...

Cédric Saulnier : On a, dans L’Inventionneur, une double interactivité… On joue avec l’écran… mais aussi avec le public, qui entre en quelque sorte dans la chambre de Peter. On fait participer les spectateurs sous forme de jeu…

Rémy.S : C’est le principe du jeune qui s’imagine chanter à Bercy alors qu’il est dans sa chambre à coucher ! Peter se crée un public imaginaire auquel il parle en permanence. Il y a même une troisième interactivité qui permet au public de voir tout ce que Peter fait sur son ordinateur ou son téléphone mobile… On a choisi une mise en scène quasi cinématographique, comme si la caméra était omniprésente…

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