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Humeur : ma soirée cauchemar au balcon

Et si l’on allait au spectacle ? Pour les fêtes de fin d'année, l’idée est plus que séduisante. Vous vous y prenez bien tard, il ne reste que le balcon pour vous accueillir. Gare à vous ! Culturebox peut en témoigner, les risques de déconvenue sont bien réels.
Article rédigé par franceinfo - Hervé Brusini
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le spectacle est dans la salle... mais pas au balcon ! 
 (LOIC VENANCE / AFP)

Maman traîne toujours un peu. Normal, à 84 ans, vous mesurez vos pas comme si un précipice invisible était sur le point de vous engloutir. Mais moi, j’étais sûr de mon coup. Une tribu de mimes russes bêtes, méchants et tendrissimes, maman ne pouvait qu’adorer. Elle, mes trois petits enfants et ma compagne, on allait vivre un grand moment de poilade. Quand le pays fait dans le maussade, ça ne se dédaigne pas.

Donc nous affrontons les marches qui conduisent au balcon du théâtre déjà plein de rires intérieurs qui ne demandent qu’à sortir de nos cages thoraciques de futurs spectateurs. Mais calmons-nous et revenons au moment précis où les postérieurs de notre petite collectivité soupçonnent que quelque chose va puissamment clocher.

Les lumières sont sur le point de s’éteindre quand une armoire à glace interpelle l’ouvreuse en lui demandant si la salle est pleine. « Oui », répond craintive la silhouette en robe noire. « Mais on pourra quand même bouger ? » poursuit l’homme, décidément très déterminé. La jeune femme acquiesce timidement. Au moment précis du contact avec le velours patiné, nous comprenons que toutes ces questions ne sont pas le fruit d’un amateur. En contrebas, un modeste morceau de scène se laisse attraper par nos yeux innocents et déjà paniqués.

 La famille Semianyki
 (Dimitri Korobeinikov/Ria Novosti)
Extinction des feux, démarrage du spectacle. En bas, ils rient. En haut ça bouge dans tous les sens. L’armoire à glace s’est plantée sur un strapontin. Pour la fenêtre sur scène, c’est fini. Maintenant, on ne voit carrément plus rien. « Non pas ça !» laisse échapper les désormais victimes qui m’accompagnent. Le balcon se transforme en champ de bataille. Il faut faire mouvement vers l’avant au centre, pour espérer retrouver le fil de la bonne humeur qui explose au parterre.

D’un geste, j’invite mes soldats à me rejoindre. Maman s’écroule à la troisième marche vers la descente. Un « ooohhh ! » parcourt ceux qui sont encore là à errer dans l’obscurité. Récupération in extrémis de mon octogénaire bien aimée, et nous voilà parvenus face à la piste où les clowns russes poursuivent leur exercice frappadingue. Il faut bien comprendre que dans ce spectacle superbe, tout est visuel. Autrement dit, nous sommes en train de lutter pied à pied, pour accompagner, participer, apprécier, toute cette belle énergie créatrice.

Un ultime épisode va nous faire abandonner tout espoir. La famille Semianyki descend de la scène pour jouer avec la salle. Entendez, celle du bas, pas avec vous qui êtes en haut, en pleine perdition claustrophobe. A l’unisson, nos corps s’effondrent au fond des fauteuils, là où le noir absolu nous réconfortera…peut être. Dans ma tête, j’entends la dame du téléphone me dire : « vous verrez, vous ne le regretterez pas ». Je pesais chacun des termes qu’elle avait employés.
  (IP3 PRESS/MAXPPP)
Dans l’obscurité et au milieu des rires ( ceux des autres ), forcément l’esprit vagabonde. Il y a deux ans nous avions vu au théâtre une pièce couronnée par les Molières. On y parlait de la seconde guerre. Réunis dans un appartement, des convives étaient soudainement invités par un officier allemand à désigner parmi eux, deux candidats au peloton d’exécution. Autant dire que la tension était souvent à son comble. Ce « repas des fauves » portait bien son titre. Et là encore, nous étions au balcon. Je dirais même en plongée radicale. Impossible de ne pas penser à ces bombardiers allemands qui fonçaient en piqué sur leurs cibles, sauf que nous, nous venions pacifiquement voir un beau moment de théâtre.

Maman, quoique plus jeune avait du gravir avec quelques difficultés, par la face « impair », des escaliers pour le moins surprenants. Leur accès se refermait à mesure que les spectateurs prenaient place sur des fauteuils repliables. De sorte qu’une fois installé, aucune issue n’était possible pour qui voudrait s’exfiltrer. La chaleur était accablante. Une femme s’écroula à quelques mètres de nous. Son compagnon hurla : « y a t il un médecin dans la salle ? » Sur scène, les acteurs furent troublés.

Gros moment de flottement. Tout le balcon dut rejoindre le couloir pour laisser passer la personne inanimée, transportée par quelques spectateurs solidaires. En bas, du bruit se faisait entendre. Avaient-ils désigné les futures victimes ? La pièce prenait fin.

Encore aujourd’hui, son dénouement reste pour nous une énigme. Ce qui ne l’est plus en revanche, c’est l’absolue prévention à laquelle nous nous déclarons en droit de vous inviter. Si l’on vous propose un balcon, prenez garde. Tout peut arriver y compris d’être privé de ce pourquoi vous êtes venus, de ce pourquoi vous avez payé. Mais de cela on n’en parlera même pas

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