"Et les poissons partirent combattre les hommes" : vivre et laisser mourir
Avec "Y los peces salieron a combatir los hombres", l'auteure espagnole avait mis le doigt et les mots là où ça fait mal. "Ils viennent se noyer aux pieds de nos chaises longues". Et voilà des vacances gâchées, bon sang, "il va falloir que nous partions plutôt à la montagne".
L'Europe indifférente face à ces vagues de sang sur ses côtes, le cynisme, le repli sur soi, tout est dans ce texte court, rageur. Sur la scène de l'Alizé, Anne-Frédérique Bourget a choisi l'épure. La mer, ce sera ces bâches transparentes, dans lesquels deux comédiens s'étreignent et s'étranglent.
Adrien Mauduit et Arnaud Agnel (un petit air de Jon Hamm-Don Draper dans "Mad Men") se livrent à une danse oppressante en s'adressant à "Monsieur Lapute", incarnation de la bien-pensance et de l'etablishment occidentaux. "Avec tous ces noirs qu'ils ont mangé, les poissons commencent à avoir des yeux d'être humains, (…) On va devoir arrêter de manger du poisson".
Ce texte qui saigne fait mal et mouche. Porté par les rythmes d'Alexis Sebileau, il dégage une rage spectaculaire qui jamais ne retombe. Les deux comédiens le servent avec ce qu'il faut de distance, d'élégance et d'autocaricature.
Montée par la compagnie nordiste Maskantête, cette adaptation parvient à ses fins : le malaise est là. Au moment où nous la découvrons, combien de radeaux à la dérive en Méditerranée ?
"Et les poissons partirent combattre les hommes" par la compagnie Maskantête
Théâtre Alizé – 15 rue du 58e R.I. Avignon
04 90 14 68 70
Tous les jours à 18h25 jusqu'au 26 juillet (relâche le 23)
Tarif : 15 euros
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