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Dans "les Nombrils" au théâtre Michel, les comédiens se racontent avec humour

Pour sa dernière création, le directeur du théâtre Michel, Didier Caron, a choisi de parler de ceux qu'il connaît le mieux : les comédiens. Dans "les Nombrils", il met en scène une troupe d'acteurs ratés en tournée pour présenter un spectacle que leur public ne comprend pas. Toujours très drôle, souvent hilarante, la pièce de Didier Caron parvient à parler à tous les spectateurs.
Article rédigé par franceinfo
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Jane Resmond, Isabelle Ferron, François Raison, Christophe Rouzaud et Bruno Paviot sur la scène du théâtre Michel.
 (Franck Harscouët)

De passage à Bruxelles pour présenter leur pièce de théâtre, les comédiens parisiens de la Compagnie de la Lune pleureuse tempêtent dans le vestibule de leur hôtel. "Le monde entier n’en a rien à foutre de toi, de nous, de ta pièce !", lance Nanette à son metteur en scène Stanislas. "Ta gueule Marlon Brando !" assène l’un des acteurs à son collègue.

Il faut dire que leur pièce, "Les plaines de Kiev" n’a pas le succès que la petite compagnie attendait. Sans doute parce qu’elle offre quelques mauvaises surprises aux spectateurs, comme un monologue en biélorusse de vingt minutes. Et que les acteurs eux-mêmes avouent ne pas en saisir le sens... Les comédiens tentent pourtant tant bien que mal de la jouer dans plusieurs villes de France ainsi qu’à Bruxelles, dans l’espoir de terminer leur tournée sur "la Terre promise du théâtre" : Avignon et son festival.

Des personnages familiers de tous les spectacteurs

Sur la scène du théâtre Michel, à Paris, on assiste à une mise en abyme jouissive. Avec ironie et autodérision, les comédiens dirigés par Didier Caron racontent leur quotidien, avec tout ce qu’il peut comporter de cruauté, de précarité… et de narcissisme. Tous sont des "nombrils".

"Il y a effectivement une base de vérité comme dans toute blague, et je reconnais moi-même des gens dans tous les personnages. Mais tous les acteurs et actrices ne sont heureusement pas comme ceux de la pièce : capricieux, hypocrites, faux-culs, méchants ou aigris", raconte Bruno Paviot, qui interprète le rôle de Brice, un fils à maman que la moindre critique anéantit.

Au côté de Brice dans la troupe, il y a aussi "JP", qui dit avoir "besoin d’un sas" lorsqu’il sort de scène, pour "se libérer de son personnage". Dans toutes les villes dans lesquelles il passe, on devine que le "sas" le mène aux alentours de la gare, en bonne et féminine compagnie. Avec eux, il y a Astrid, la jeune actrice simplette qui double des films X pour arrondir ses fins de mois.

Quant à Nanette, que le public connaît uniquement pour avoir été "Madame Gâteau" dans une publicité pour de la farine qui gonfle, elle passe le plus clair de son temps à se plaindre de la température ou menacer d’appeler son agent. Tous ces acteurs ont auprès d’eux un metteur en scène angoissé, puriste et un peu coincé, qui préfère se dire "metteur en espace".

Des montées en puissance hilarantes

Ces comédiens un brin ringards sillonnent donc la France et ses hôtels pour petits budgets, tenus par des aubergistes toujours très locaux, tous interprétés par le remarquable Philippe Gruz, auquel aucun accent régional n’échappe. "On se moque aussi bien des Alsaciens que des Corses, des Belges, des Marseillais, de manière très caricaturale. Tout le monde en prend pour son grade", confirme Bruno Paviot.
A Ajaccio, la compagnie de la Lune pleureuse fait la connaissance d'un aubergiste on ne peut plus insulaire.
 (Franck Harscouët)
A part quelques plaisanteries attendues, cette comédie est pleine d’humour, les fous rires s’enchaînent et les spectateurs ne s’ennuient pas. La pièce est riche de nombreuses montées en puissance, où l’action s’emballe pour frôler l’absurde. Quelques fois, le public exulte franchement, comme lorsqu’un journaliste belge fait mine de s’intéresser, miracle, à la pièce de ces acteurs ratés. Micro défectueux, questions absurdes ("Qu’avez-vous pensé de la signalisation sur la route pour venir jusqu’à Bruxelles ?"), désintérêt profond pour les réponses des acteurs… Les journalistes ne sont pas épargnés non plus.

En découvrant les "Nombrils" et ses comédiens précaires pour qui Avignon est synonyme de triomphe, on ne peut s'empêcher de penser aux revendications des intermittents, qui ont marqué les festivals pendant le mois de juillet. "On est tous investis et préoccupés par ce qui se passe, mais l'engagement n’est pas l’objet du spectacle, puisque la pièce a été écrite il y a plus d'un an", assure Bruno Paviot.

Ont-ils quand même penser présenter leur pièce à Avignon ? "Ce n'était pas non plus l'objectif", selon l'acteur. En revanche, les comédiens aimeraient confronter leur pièce aux regards des régions. "On aimerait beaucoup la jouer à Ajaccio...", confie Bruno Paviot.

"Les Nombrils", au théâtre Michel :
38, rue des Mathurins, 75008 Paris
Billetterie (11h-18h) : 01 42 65 35 02.
Du mardi au samedi à 21h00, en matinée et à 17h30 le samedi.
Tarifs : 32 € (catégorie 1), 24 € (catégorie 2), tarif réduit le mercredi.

Jusqu'au 30 août 2014.

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