Avignon : une plainte pour apologie du terrorisme vise la pièce de Mohamed Kacimi sur Merah
Une plainte pour apologie du terrorisme a été déposée contre Mohamed Kacimi et Yohan Manca, respectivement auteur et metteur en scène d'une pièce de théâtre sur les dernières heures du jihadiste toulousain Mohammed Merah, jouée lors du Festival off d'Avignon. Sa dernière représentation, qui s'est tenue mardi 11 juillet, avait fait l'objet de vives polémiques et d'une demande d'annulation.
Article rédigé par franceinfo
- franceinfo Culture (avec AFP)
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Des avocats des proches de victimes de Mohammed Merah ont déposé une plainte pour apologie de terrorisme et antisémitisme, visant le metteur en scène Yohan Manca et l'auteur algérien Mohamed Kacimi, à l'origine de la pièce intitulée "Moi, la mort je l'aime comme vous aimez la vie". Cette pièce retrace les dernières heures de Mohammed Merah, le jihadiste toulousain responsable des attentats de mars 2012.
Déposée dans un premier temps au TGI de Paris par les avocats de proches des victimes de Merah, la plainte a ensuite été transmise au parquet d'Avignon, a précisé à l'AFP le procureur de la République d'Avignon Philippe Guémas.
"Une honte et un déshonneur"
La pièce de théâtre sur les dernières heures de Mohamed Merah a suscité de vives réactions d'associations et de proches des victimes. Mardi 11 juillet, date de la dernière représentation, des avocats de proches de victimes de Mohamed Merah ont demandé au metteur en scène Yohan Manca et à l'auteur algérien Mohamed Kacimi l'annulation de la représentation.
"Nous qui avons la responsabilité de porter la voix de ceux qui ont péri à Toulouse et Montauban et celle de leurs familles, nous considérons qu'une telle entreprise de réhabilitation dans le contexte que nous traversons sous couvert d'alibi culturel est une honte et un déshonneur. Nous vous demandons d'y renoncer", écrivent dans un courrier Mes Patrick Klugman, Ariel Goldman, Elie Korchia et Jacques Gauthier-Gaujoux.
La pièce a été écrite par Mohamed Kacimi à partir du verbatim des derniers échanges entre les policiers et le tueur retranché dans son appartement, avant qu'il ne soit abattu par le Raid. Elle avait déjà été lue au théâtre de la Loge à Paris du 11 au 13 novembre 2015. À l'époque, Mohamed Kacimi disait vouloir explorer "cette profonde sidération des ténèbres que le massacre a laissé en nous" : "Maintenant que les passions sont éteintes, il est temps de convoquer les morts sur scène, de revenir sur ce moment de stupeur, d'exhumer le silence, pour en faire une lumière, de remonter le fil de l'histoire pour savoir d'où venaient cette folie et cette violence."
Vives réactions d'associations
Par ailleurs, à Avignon, le Bureau national de vigilance contre l'antisémitisme (BNVCA) a déclaré avoir reçu "un très grand nombre de protestations émanant de citoyens scandalisés et indignés", assurant avoir chargé son avocat, Me Charles Baccouche, de déposer plainte pour "apologie contre le terrorisme et antisémitisme". Latifa Ibn Ziaten, mère d'un militaire tué par Merah et figure militante de la lutte contre la radicalisation, a également exprimé ses réticences envers la pièce : "Montrer ça [...] ça peut tenter ces jeunes, ça peut montrer que c'est un héros aujourd'hui, j'ai pas trouvé ça intelligent. Je suis pour la liberté de musique, de théâtre, la liberté, mais pas de cette manière-là", a-t-elle déclaré à l'AFP. Le président du Crif Occitanie, lui, affirme ne porter "aucun jugement sur les intentions de l'auteur, que je n'imagine pas autres que pédagogiques et bienveillantes", a réagi auprès de l'AFP Franck Touboul, ajoutant cependant que "tout ce qui participe à la notoriété et à la justification des actes de cet assassin est insupportable pour nous".
"Le théâtre polémique depuis la nuit des temps"
Malgré la polémique, la pièce n'a pas été annulée. Selon le théâtre avignonnais qui l'accueillait, la dernière représentation s'est déroulée mardi sans perturbations. "C'est un beau spectacle, avec un texte pédagogique, que nous sommes fiers de défendre et qui pose bien la question des mécanismes de la radicalisation", s'est défendu auprès de l'AFP Pascal Keiser, directeur de La Manufacture qui programmait la pièce. "Rien n'excusera jamais le meurtre d'un enfant de trois ans, et la pièce le dit clairement, mais ne pas traiter ces questions au théâtre, c'est faire la politique de l'autruche."
"Les Merah, Kouachi, auraient pu être mes voisins de classe, ou mes coéquipiers au foot. Outre la folie, la peur des actes accomplis, c’est leur jeunesse qui m’a sautée au visage : ma jeunesse.", écrivait sur le site du théâtre le metteur en scène Yohan Manca, qui joue également le rôle de Merah. "C'est très douloureux mais c'est du théâtre documentaire, politique. Il n'est jamais trop tôt pour parler de certains sujets, mais il est souvent trop tard. Le théâtre polémique depuis la nuit des temps", a-t-il soutenu auprès l'AFP après la représentation. "Merah avant d'être un monstre était un être humain. Pour essayer de comprendre ces jeunes terroristes, il faut entrer dans leurs têtes, dans leur parole. Ce n'est pas parce qu'on les humanise qu'on les excuse".
Les 11 et 15 mars 2012, Mohamed Merah, 23 ans, a tué trois militaires par balle dans la rue, à Toulouse et Montauban, puis, le 19 mars, trois enfants et un enseignant dans un établissement scolaire juif de Toulouse, avant d'être tué le 22 mars par le Raid qui assiégeait son appartement depuis la veille.
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