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Au TNP, Serge Merlin, impérial Roi Lear

En abordant le rôle du roi Lear de Shakespeare, tout comédien sait qu’il va pousser son feu sacré à son point de fusion. En s’en emparant, Serge Merlin se joue des éléments et transcende le personnage en traversant cette histoire crépusculaire.
Article rédigé par franceinfo - Franck Giroud
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Le roi Lear au TNP
 (Michel Cavalca)

Serge Merlin n’avait jamais travaillé avec le directeur du TNP de Villeurbanne. Il y a quelques années, Christian Schiaretti lui avait demandé quel rôle il souhaiterait interpréter. Serge Merlin lui avait répondu le Roi Lear. Pour ce rôle c’est au comédien de se déclarer. Le metteur en scène ne peut qu’attendre le murissement de la rencontre.

  (Michel Cavalca)
Et c’est bien ainsi semble-t-il qu’est née cette nouvelle approche de l’un des textes les plus fascinants et inquiétants pour tout comédien rompu par de nombreuses années de scène. Il s’agit pleinement d’incarner, de porter ce personnage de roi déchu qui fit l’erreur majeure de céder son royaume à deux de ses filles. Dans sa chute il sera abandonné par sa descendance et toute sa suite excepté son fou et le fidèle Kent. Très vite Kent lui demande : « que veux-tu faire vieil homme ? ». Et peu avant la chute comme un constat d’échec, le fou lui dit : « tu n’aurais pas du être vieux avant d’être sage ». Son royaume sombre dans les guerres et les luttes de pouvoirs, drames sanglants et crépuscules politiques et personnels.

La signature Schiaretti
Dans son approche des grands textes classiques, Christian Schiaretti nous a habitués à une lecture à la fois riche et limpide, allant jusqu’à codifier ou tout au moins jalonner ses mises en scènes de signes se révélant comme une véritable signature : un plateau en forme de cercle, une troupe nombreuse d’acteurs et de figurants (une vingtaine de comédiens) sur laquelle s’appuie physiquement l’action de chaque scène. Ainsi chaque confrontation, chaque drame du Roi Lear se place au centre de ces arènes sanglantes jonchées de paille et de terre humide. Les témoins en grands habits du XVIe siècle entrent et sortent par des portes qui encerclent ce terrain.
  (Michel Cavalca)
Débarrassé de sa lourde couronne brisée en deux, Serge Merlin donne le tempo de ce marathon théâtral. Tour à tour puissant et vociférant, puis brisé et évaporé, le comédien joue de sa vaste palette de jeux. Ses bras décharnés flottent dans les airs. Il donne le sentiment  qu’il a déjà quitté cette terre. Dans ce cercle théâtral, la roue de la vie fait son tour.

Autour de lui, ses compagnons de scène tirent leur épingle du jeu, particulièrement Vincent Winterhalter (Kent), Marc Zinga (Edmond), Philippe Duclos (Gloucester). Les images sont superbes, le jeu collectif. Le travail de troupe mené par Christian Schiaretti révèle une nouvelle fois le talent de ce grand défenseur du théâtre classique à relever le défi d’emmener le public pendant près de quatre heures dans l’univers crépusculaire de Shakespeare.   
  (Michel Cavalca)
 
« Le Roi Lear » de Shakespeare
Traduction Yves Bonnefoy, jusqu’au 15 février au TNP (Villeurbanne) puis en tournée à Nancy (mars), Paris (mai) et Dunkerque (juin).

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