"Marionnet'Ic" : des détenus de Saint-Brieuc se racontent avec des marionnettes
La 19ème édition du festival "Marionnet'Ic" accueille 22 compagnies françaises et étrangères à Binic et dans ses environs. Cette année, trois détenus de la Maison d'Arrêt de Saint-Brieuc sont également invités à présenter leur spectacle, monté à l’initiative du directeur du festival Philippe Saumont. Les spectacles sont à découvrir jusqu'au 30 avril.
Depuis 19 ans maintenant, le festival "Marionnet’Ic" qui se tient à Binic, près de Saint-Brieuc, explore en profondeur les multiples facettes de l’art des marionnettes. Philippe Saumont, fondateur et directeur du festival est tombé amoureux des marionnettes grâce à des vestiges laissés par son grand-père. Depuis, il tente de faire découvrir cet art méconnu, qui tend pourtant à se moderniser.
Philippe Saumont et ses bénévoles travaillent pour démocratiser la culture, et en donner ainsi l’accès à tous. Alors qu’il se déroulait originellement sur un week-end, le festival dure désormais une semaine . Pour cette édition, ce sont plus de 22 compagnies françaises et étrangères qui partageront les rues et les lieux consacrés pour s’exprimer à travers les poupées de chiffon devant un public toujours plus important et plus éclectique. Enfants, ados, mais aussi adultes de tous les horizons se pressent chaque année aux portes du festival.
Un art ancien qui fait du neuf
De là à considérer le théâtre de marionnette comme un art contemporain, il n’y a qu’un pas que l’on peut aisément franchir. Ecriture, mise en scène, création musicale, arts plastiques et jeu d’acteur sont autant de compétences que les artistes doivent maîtriser pour se produire. Et comme une vérité inévitable, ils sont de plus en plus nombreux à intégrer les arts numériques à leurs performances. Le festival donne carte blanche aux compagnies présentes, ce qui leur permet de se révéler vraiment, et ainsi de se faire connaître par des professionnels. Mais l’initiative ne s’arrête pas là, puisque cette année, trois détenus de la Maison d’Arrêt de Saint-Brieuc pourront également présenter leur spectacle.
Reportage : France 3 Bretagne - J. Armand / F. Leroy / T. Benoît
Les marionnettes : une échappatoire bienvenue
En collaboration avec les ateliers de Philippe Saumont, Kevin, détenu à la Maison d’Arrêt de Saint-Brieuc a travaillé deux mois durant son personnage pour le présenter lors du festival. Ce projet lui a permis de s’échapper des quatre murs entre lesquels il est enfermé depuis deux ans : "Ça me fait être libre un petit peu dans ma tête. Parce qu’être enfermé H24, c’est un petit peu dur parfois quand même. Mais bon, ça fait du bien on va dire, exprimer un peu ce qu’on ressent." Une échappatoire pour certains, un moyen de porter une réflexion sur la vie pour d’autres. C’est le cas de Clément qui lui devra encore rester à la Maison d’arrêt pour quelques temps. Caché derrière sa marionnette, il justifie sa participation au festival : "C’est pour rappeler qu’il ne faut pas passer à côté de sa vie, à côté de ses rêves, pas laisser échapper tout ça, c’est l’essentiel en fait. Ne pas se laisser engrainer, accaparer par des illusions, souvent par notre environnement, et rater sa vie… Ou finir en prison, par exemple."
La transparence derrière les tissus
Comme un paradoxe bienfaiteur, se dissimuler derrière les marionnettes est selon Philippe Saumont un moyen de s’exprimer avec honnêteté : "C’est une partie d’eux qu’ils ont fabriqué, donc même dans l’inconscient, c’est une partie d’eux qu’ils sont en train de raconter. Donc forcément c’est lié, entre ce que l’on dit là, avec le mouvement, et ce que l’on dit avec le mental."
Initiative culturelle en milieu carcéral, un projet qui séduit de plus en plus
Depuis quelques années, de nombreux sociologues se sont intéressés à l’introduction de la culture en milieu carcéral. Si les deux termes semblent contradictoires au premier abord, les projets menés à bien par les maisons d’arrêt qui ont décidé de proposer des ateliers cultures à leurs détenus se sont révélés plutôt concluants. Les études ont montré que les résultats étaient d’autant plus positifs lorsque les détenus étaient placés au cœur du processus créatif. Profiter de l’ampleur du festival Marionnet’Ic pour faire part d’une initiative altruiste, c’est le projet de Philippe Saumont, en collaboration avec la Maison d’Arrêt de Saint-Brieuc.
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