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“Virés de France Inter”, chronique d’un emballement

Des tweets, un public qui se passionne, des démentis cinglants et des médias qui se prennent au jeu, L’affaire du spectacle “Les virés de France Inter” aurait pu faire un beau buzz du mois d’août. Culturebox a tenté de reconstituer l’histoire.
Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
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Didier Porte, Laurent Violet et Laurent Ruquier
 (STEPHANIE PARA/BERRY REPUBLICAIN / DR / PATRICK KOVARIK/AFP)
Comment les noms de Laurent Ruquier et de Didier Porte se sont-ils retrouvés tête d’affiche d’un spectacle dont ils n’avaient jamais entendu parler ? L’histoire est plutôt amusante, et heureusement : elle concerne des humoristes. Récit d'un imbroglio.

L’annonce

Mardi 6 août 2013 aux alentours de 18 heures, une dépèche tombe sur le fil AFP : “Les "Virés de France Inter" réunis sur scène en décembre”. Sous ce terme fort, l’idée est de rassembler pour une soirée spéciale une palette d’humoristes ayant pour point commun d’avoir été remerciés de France Inter.

Citant Didier Porte, Gérald Dahan, Stéphane Guillon et Chraz (entre autres) comme membres de cette “Dream Team”, l’article explique que c’est à Laurent Violet, interdit d’antenne en 2000 après une blague douteuse, que l’on doit cette initiative. Le producteur du spectacle, Edouard Cambus, en confirme la date, et l’humoriste Gérald Dahan affirme en avoir accepté “immédiatement” le principe.

Dans la foulée, l’information est reprise : sur internet, à Culturebox comme ailleurs, mais aussi dans la presse papier. Les démentis
Si les réseaux sociaux se passionnent pour cette annonce, les premiers couacs arrivent rapidement dans la journée de mercredi. De bon matin, Didier Porte, dont le nom est cité partout, affirme sa surprise et dément toute participation S’ensuit le démenti de Laurent Ruquier, qui était aussi pressenti en “participant exceptionnel” à cette réunion d’humoristes. De premiers articles commencent à douter de la réalité de l’événement, lorsque le Figaro.fr publie dans la journée de mercredi un article démontant la stratégie du producteur. Intitulé “Les Virés de France Inter cherche acteurs désespérément”, il explique qu’Edouard Cambus a loué la salle (le théâtre Le Temple le 16 décembre prochain) et a communiqué sur un événement avant de négocier avec les personnes qu’il cite.

Au cours de cette “journée la plus chiante de l’année”, certains commencent à parler de “vrai-faux spectacle”. Ce que réfute Edouard Cambus : ce jeudi soir, il confirme à l’AFP la tenue du spectacle à la date fixée en “prenant acte de la position de Laurent Ruquier et Didier Porte”, et parlant d’un “accord de principe de l’entourage” de ce dernier.

La dépèche est reprise, sur Culturebox comme ailleurs, et la plupart des médias titrent sur la nouveauté : l’absence de Didier Porte et Laurent Ruquier. Et la polémique enfle doucement. "Ils n'ont pas compris la blague"
Ce vendredi, Culturebox a joint les principaux protagonistes de cet imbroglio, et peut tenter de reconstituer les faits.

Tout a commencé par une publication sur Facebook. Le 24 juillet, Laurent Violet crée une page intitulée “Les virés de France Inter” sur le réseau social. Il l’accompagne d’une affiche de sa création, regroupant “tous les virés que vous avez aimé de 1963 à 2013”.
  (Laurent Violet)
Parmi les noms cités, “sous l’égide de Jacques Chancel”, on trouve aussi bien Stéphane Guillon, Didier Porte et Gerald Dahan que Pierre Desproges ou Luis Rego.

L’humoriste explique à Culturebox que ce projet, s’il est tout à fait sérieux, n’en est qu’à l’état d’ébauche. Il n’a encore contacté personne pour y participer, et a publié cette image clairement dans un but humoristique (d’où la présence de personnes décédées et d’une petite astérisque “sous réserve de leurs participations amicales”). Et pendant deux semaines, rien ne se passe.

Jusqu’au jour où, ce mardi, Gérald Dahan tombe sur ladite page de son confrère et ami. Et la partage accompagnée d’un “j’en suis”. C’est lui qui, sans avoir été ne serait-ce que prévenu par Laurent Violet, confirmera à l’AFP la véracité de ce projet. Après tout, son nom est sur l’affiche.
  (Capture d'écran/Facebook)
Selon Edouard Cambus, le buzz involontaire est parti de là : les médias et internet ont repris tous les noms de l’affiche, “mais ils n’ont pas compris la blague”. Le producteur avoue être un peu gêné des proportions qu’a pris l’affaire. 
 
Stéphane Guillon n’y participera pas
En revanche, le projet “Les virés de France Inter” est bel et bien réel. Mais ni Didier Porte, ni Laurent Ruquier, ni même Stéphane Guillon n’y participeront. Laurent Violet a confié à Culturebox avoir reçu un coup de fil du dernier nommé, actuellement en vacances. Guillon lui aurait expliqué que “l’idée le faisait marrer”, mais que tant pour ses antécédents avec France Inter que vis-à-vis de son planning il ne le ferait pas.
 
Du point de vue de la forme, le spectacle que proposent Violet et Cambus ne diffère guère des nombreux plateaux réunissant plusieurs comiques que l’on voit tous les ans. Mais le nom choisi a créé le buzz. Laurent Violet l’explique sur le ton de la plaisanterie. Loin d’en vouloir à France Inter, il dévoile que “c’était une boutade” dont il “avait parlé à Jean-Luc Hees en 2002”, au vu des nombreuses émissions s’arrêtant. Et le comique de conclure d’un “merci France Inter de m’avoir viré” souriant..
 
S’excusant s’il a involontairement vexé des collègues (qui ne semblent pas trop lui en tenir rigueur, même si l’affaire les a agacé), l’humoriste avoue néanmoins avoir “beaucoup rigolé” en suivant l’évolution médiatique du projet qu’il a lancé. Citant Fontenelle, “assurons nous bien du fait avant de nous occuper de la cause”, il affirme qu’il donnera la liste (non-établie) des participant au spectacle “le moment venu”.
 
“On mélange des noms connus et ça fait le buzz”
Difficile de tirer des conclusions de cette affaire, et chacun se fera son opinion. D’un côté, “ça a fait beaucoup de pub pour un mec qui dit n’importe quoi”, estime Laurent Ruquier en parlant du producteur. De l’autre, les initiateurs du projet “Les virés de France Inter” rappellent que l’affiche à l’origine de tout était clairement une blague. Ajoutons à cela un journaliste qui s’est vu confirmer à la fois par un producteur reconnu et l’humoriste Gérald Dahan l’existence de ce spectacle, et a donc estimé la source d’information fiable avant de publier sa dépèche. Reste Gérald Dahan, deus ex machina coutumier des canulars, qui a déclenché l’avalanche.
 
D’une “plaisanterie sans prévenir personne” (Laurent Violet), l’affaire s’est un peu emballée. Mais, conclut un Didier Porte philosophe, après tout “on est en plein mois d’août, et il ne se passe rien. On mélange des noms connus et ça fait le buzz”. Ce qui n’empèche pas l’humoriste de demander que “les différents réseaux d’information vérifient un peu mieux les sources”, car dans le cas précis, “aucun de [ses] proches n’a jamais donné son accord”.

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