Pierre Etaix : "Le comique, c'est la chose la plus précieuse"
Dans son petit appartement de Montmartre où s'amoncellent les souvenirs, un buste de Molière côtoie celui de Buster Keaton, des sculptures des frères Fratellini, un décor de cirque peint sur une porte ou des photos de l'acteur américain Jerry Lewis, son ami.
Tout chez lui, rappelle l'univers des clowns. "Le cirque, c'est l'amour de ma vie. C'est parti de mon enfance. A partir de ce moment-là, ça ne m'a plus quitté", lance Pierre Etaix, les yeux brillants.
Pochette rouge vif assortie à sa chemise, il reçoit à l'occasion de la sortie en novembre du livre "C'est ça Pierre Etaix" (Séguier/Arte), co-écrit par sa femme Odile et son fils Marc, qui rassemble des dessins, photos et textes du cinéaste sous la forme d'un abécédaire fidèle à son univers, entre humour visuel, poésie, jeux de mots et retour sur son parcours.
Avec Jean-Claude Carrière, "on s'est follement amusés à écrire"
Sur la couverture du livre figure le clown de l'affiche de "Yoyo" (1965), un de ses films emblématiques sur l'univers du cirque, longtemps invisible en raison d'un imbroglio juridique, avant que la justice ne rende en 2009 à Pierre Etaix ses droits d'auteur sur cinq longs métrages et deux courts métrages.Ces oeuvres burlesques ont été réalisées dans les années 1960 avec son complice, l'écrivain et scénariste Jean-Claude Carrière.
Après avoir co-signé les courts métrages "Rupture" et "Heureux anniversaire", qui a remporté un Oscar en 1963, ils ont écrit ensemble "Le Soupirant", "Yoyo", "Tant qu'on a la santé" et "Le Grand amour".
"Ca a toujours été un accord parfait, parce qu'on s'est follement amusés à écrire", raconte Pierre Etaix. "Quand on trouvait, on était morts de rire".
"Gagman" de Jacques Tati
Graphiste de formation, initié à l'art du vitrail, Pierre Etaix a débuté comme illustrateur tout en se produisant dans les cabarets, au music-hall et au cirque. Il a commencé au cinéma dans les années 1950 comme dessinateur et "gagman" de Jacques Tati pendant quatre ans pour "Mon oncle"."Je n'avais pas du tout l'intention de faire du cinéma", raconte-t-il. "Tati avait regardé des dessins que j'avais faits, et il m'avait dit que j'avais le sens de l'observation, donc du gag", poursuit-il. "Je me suis mis à chercher des idées comiques. C'est comme ça que tout a commencé".
Ses films à lui, dans lesquels il interprète généralement un personnage lunaire, s'inscrivent dans l'héritage des maîtres comiques du cinéma muet, Buster Keaton, Charlie Chaplin, Laurel et Hardy, Harry Langdon, Harold Lloyd ou Max Linder.
Les téléphones portables, une source inépuisable de gags
Pierre Etaix, qui a été l'un des rares représentants en France du "slapstick", burlesque de l'époque aux gags visuels, se sent loin de la "comédie bavarde" à la française."Ca ne m'a jamais attiré. Ce qui m'a toujours attiré, c'est l'image et le son", dit celui qui se définit avant tout comme clown.
Il a été le mari d'Annie Fratellini, épousée en 1969, avec qui il a joué en duo sur la piste et fondé l'Ecole nationale du cirque en 1973.
Ces dernières années, il est remonté sur scène après des décennies d'absence, avec "Miousik Papillon" en 2010, et sous le chapiteau du cirque Joseph Bouglione en 2012, ressuscitant le clown Yoyo.
Mais aujourd'hui, ses "possibilités physiques l'handicapent beaucoup", déplore-t-il. "Je me suis retiré", résume Pierre Etaix, qui continue cependant à beaucoup dessiner et à trouver des gags en observant le monde qui l'entoure. "Il y a de plus en plus de sujets", dit-il. "Rien que les téléphones portables, c'est une source inépuisable !".
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