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Hassen Doss : une voix d’or venue de l’autre coté de la Méditerranée

Premier ténor tunisien à s’imposer sur la scène internationale, le jeune homme de 27 ans a des rêves plein la tête et des étoiles dans les yeux. Le 13 août, il présentera à Sousse, sa ville natale en Tunisie, son premier opéra lyrique chanté en arabe. Une création personnelle. Wafa Dahman a rencontré cet artiste qui, après la révolution politique, attend de son pays une révolution culturelle.
Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
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Reportage : Wafa Dahman, François Gibert, Christophe Rio et Bénédicte Biraud
 
Il a les yeux rieurs. Il me parle d’une voix douce qui tranche avec celle de ténor lorsqu’il chante. 
La première rencontre s’est faite au début de l’été, à Montmorillon près de Poitiers. La troupe de "Figaro Si, Figarolà", répète une dernière fois Rigoletto, le chef d’œuvre de Verdi. Le spectacle sera présenté sous un chapiteau dans une atmosphère de cirque donnant au public une proximité inédite avec les artistes et la scène. 
 

Dans le rôle du Duc de Mantoue, Hassen Doss. Alors qu’il venait de gagner le prix "Jeune espoir" au 12e concours international de Vivonne, il a été repéré par Patrick Bertrand, le président de la troupe qui a eu un vrai coup de cœur pour lui. Une voix d’or, un visage expressif, l’homme remplit l’espace de sa présence et de son jeu. Difficile d’être insensible à cet artiste. 

Je ne suis pas au bout de ma surprise lorsque j’apprends qu’il est d’origine tunisienne. Dans ce pays, comme dans la majorité des pays arabes, le chant lyrique ne fait pas partie de la tradition culturelle. Pourtant des voix existent mais les artistes ne peuvent pas poursuivre leur carrière, faute de moyens et de projets. Hassen Doss, fait exception. 

 

L’insouciance de la jeunesse, peut-être, le pousse à croire que tout est possible. C’est sans complexe qu’il se présente à des concours qui lui ouvrent les portes d’une carrière internationale. 

Dans sa famille, il est  le seul à chanter. C’est le petit dernier des 5 enfants. A 19 ans, alors qu’il est étudiant en musicologie à Tunis, Henry Runey, professeur de chant lyrique, lui fait prendre conscience de sa voix et de son potentiel : "Vous avez une voix de ténor à l'italienne". Et sa vie change. Les membres de sa famille le suivent avec fierté, même si l’art lyrique leur semble très étranger.

Le jeune homme rêve de créer un opéra en Tunisie et d’aider les talents à émerger. Il voudrait monter un festival d’art lyrique dont les concerts seraient donnés dans les innombrables sites archéologiques du pays. Il a la tête pleine de projets pour cette Tunisie qu’il aimerait tant voir sortir de l’impasse. Il me confie qu’il a manifesté avant la chute de Ben Ali (l’ex-président), "Je suis descendu dans la rue après l’assassinat de Chokri Belaid, ( leader de l’opposition assassiné en février 2013), J’ai même été frappé par la police et je continuerai à manifester contre le gouvernement islamiste d’Ennahdha". Il dénonce aussi la division de la société depuis l’arrivée au pouvoir de ce parti. 

 

Son opposition politique prend la forme d’un spectacle, "Dar el Bey" ("La maison du Bey"). C’est sa première création pour faire découvrir le chant lyrique aux Tunisiens et il n’a pas choisi la date par hasard: en Tunisie, le 13 août est la journée de la Femme. Des femmes qui dénoncent régulièrement l’atteinte faite à leurs droits par le gouvernement islamiste au pouvoir. 

 

Ce spectacle met en scène les rapports entre l’Homme et la Femme, "je vous invite à venir dire merci à nos mères, à nos femmes" et pour appuyer davantage son engagement, il me dit en souriant, "même la forme géographique du pays ressemble à une belle sirène"...

Hassen Doss et Yousra Zekri dans Rigoletto 

Imposer l’art lyrique est un combat de longue haleine.  Le jeune homme sait que pour mener son projet à bien, il doit se faire un nom et s’imposer sur la scène internationale. 

A la rentrée, en septembre, il sera pendant 2 ans à Munich pour perfectionner sa voix et participer à des productions allemandes. A la fin de notre rencontre, j’ai ce sentiment étrange que nous le reverrons, très bientôt, il y a des gens qui ont cette volonté d’aller au bout de leur rêve. Et, j’en suis sûre, Hassen Doss en fait partie

 

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