Sylvie Guillem et ses nuits magiques de Fourvière
Sylvie Guillem jouit d'une aura particulière auprès du public. Dites que vous allez voir un spectacle de la danseuse, et vous entendrez un "Ouah ! quelle chance !" accompagné de un ou plusieurs mots d'admiration sur le travail de cette danseuse hors-norme. Alors quand vous vous retrouvez dans le Grand Théâtre de Fourvière (lieu magique), que la pluie a décidé de se mettre en RTT ce soir là, et qu'en face de vous, il y a "La Guillem" sur scène, vous savourez votre plaisir, comme un mets délectable.
Le menu commence donc avec une pièce de William Forsythe, qui entretient avec Sylvie Guillem une complicité de longue date. Pour "Rearray", elle partage la scène avec un danseur, en alternance Nicolas Le Riche (12 et 13 juin) et Massimo Murru (15 et 16 juin). Pour rester dans la métaphore culinaire, "Rearray" se mange plutôt froid. Le chorégraphe a beaucoup travaillé sur l'équilibre, le rapport des corps, l'espace mais de façon très intellectuelle. Les gestes sont saccadés, complexes et d'une précision à couper le souffle. On est bluffé par le talent des deux interprètes. Mais la musique de David Morrow, composée de sons brefs et hétéroclites, n'aident pas le spectateur à ressentir une émotion. Ni les habits de scène des danseurs, très neutres, ni la lumière, assez sombre, qui règne sur le plateau.
Plus chaleureux, c'est 27'52" de Jiri Kilián qui prend la suite avec sur scène Aurélie Cayla et Lukas Timulak. On imagine la pression que ressentent peut-être ces deux jeunes danseurs qui succèdent devant le public à deux stars de la danse, en sachant que, forcément, on va les comparer. Ils sont excellents, d'autant que là aussi, le chorégraphe a imaginé des combinaisons très exigeantes. Les corps se cherchent, s'évitent, se retrouvent. Aurélie Cayla est superbe. Et si la première pièce dégageait une sensation d'austérité, ici, la musique de Dirk Haubrich, résolument moderne, est beaucoup plus envoûtante.
Après l'entracte, le troisième volet de "6000 Miles away" voit le retour de Sylvie Guillem avec "Bye", un solo que Mats Ek a créé spécialement pour elle. Une ingénieuse utilisation de la vidéo permet de faire entrer la danseuse sur scène puis d'autres personnages. Sylvie Guillem est certainement au sommet de son art dans cette pièce portée par la dernière sonate pour piano de Beethoven. Poupée de chiffon à la détente de chat, elle peut tout se permettre, alternant gestes très classiques et postures surprenantes, douceur et frénésie. Avec sa jupe aux genoux, ses socquettes et son petit gilet de laine, la danseuse dégage quelque chose de fragile et d'enfantin. Mais la maîtrise est bien là. A 47 ans, Sylvie Guillem semble ne pas connaître les outrages que peut faire le temps sur un corps malmené par les exercices quotidiens : "J'ai la chance d'avoir une bonne carcasse ! Un corps à la fois puissant et souple. Je n'ai pas à me battre contre" reconnaît-elle. Quand on lui parle de retraite, elle répond : "Tant que je prendrai du plaisir, tant que j'innoverai, je continuerai". Il y a donc fort à parier que nous reverrons Sylvie Guillem un soir de juin sous le ciel étoilé de Fourvière.
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