"Le Roi penché" de Carolyn Carlson dépose sa couronne à la Maison de la Danse
Imaginez 600 enfants dans une salle de spectacle, un brouhaha infernal, le noir qui se fait, les rires qui fusent et puis un (quasi) silence qui s'installe quand le rideau se lève. Premier tableau du "Roi penché" : une silhouette noire qui se détache sur un des deux grands panneaux, qui, au fur et à mesure du spectacle, vont se parer de couleurs aux nuances subtiles, de soleils chaleureux et de lunes frémissantes de bleus, de dragons, d'oiseaux inquiétants et d'un arbre abritant une cabane.
Pour sa deuxième création jeune public (la première, "Les Rêves de Karabine Klaxon", date de 2008), Carolyn Carlson a voulu s'appuyer sur un conte, avec une histoire qui aurait un début, un milieu et une fin. Pour cela, elle a fait appel à Marie Desplechin. Tout de suite, le courant est passé entre les deux femmes. Marie connaissait et aimait l'univers de Carolyn qui de son côté avait une idée très précise de ce qu'elle voulait. "Elle est arrivée avec des albums pour enfants"raconte l'écrivain. "Les images étaient très précises, très suggestives...Elle montrait son univers en fait, des éléments privilégiés. C'était donc clair. Elle disait : "de l'air, du ciel, un tunnel dans le ciel, pas d'eau". Mon rôle était ensuite de faire une proposition d'histoire qui s'inscrive dans cet univers".
Ainsi est né "Le Roi penché", l'histoire d'un roi vaniteux et amoureux de ses biens, et d'une couronne si lourde qu'elle l'empêche de relever la tête et de voir le ciel. Un jour, il apprend par des oiseaux de nuit qu'une petite fille très belle prénommée Née d'un Oeuf vit en son royaume, adoptée par un bossu qu'il avait chassé. Il décide d'en faire sa femme. Mais l'enfant lui résiste en lui démontrant l'absurdité de son pouvoir et la beauté des éléments qui l'entoure.
Pour interpréter le bossu, la fillette et le roi, trois danseurs. On reconnaît dans leur gestuelle, la "patte" Carlson qui a su trouver un langage visuel qui parle au jeune public . La chorégraphe avoue qu'elle aime beaucoup travailler pour les enfants parce que, dit-elle, "je peux laisser libre cours à ma naïveté. Cela développe une autre facette de mon travail. par exemple, j'ai mis dans cette pièce un gros oeuf sur la scène. Les enfants adorent ce genre de choses mais je ne pourrais pas le faire sur l'ensemble de mon travail".
Carolyn Carlson a tout fait pour frapper l'imaginaire poétique du jeune public et lui permettre de s'approprier l'histoire. Le spectacle est émaillé d'une "voix off", celle d'un narrateur qui dès le début donne les grandes lignes du conte et des personnages. Ces derniers sont "simples" et résument les grandes émotions de la vie : la douleur, la tristesse, la joie, l'amour, la haine, la solitude, l'envie. Mais la grande réussite de cette création, c'est tout ce qui contribue à recréer l'ambiance du conte : la musique très riche et très belle de René Aubry ("mon autre moitié" comme l'appelle Carolyn Carlson) qui a réussi à intégrer des chansons écrites par Marie Desplechin. La scénographie signée Stéphane Vérité, simple dans le dispositif sur scène mais aux effets visuels d'une beauté sidérante (on se croit parfois face à un tableau d'un grand peintre) ; et enfin les costumes de Chrystel Zingiro qui a donné aux haillons du bossu beaucoup de noblesse et aux atours du Roi une majesté chatoyante.
On ne peut que conseiller aux parents d'assister à ce spectacle avec leurs enfants. Ils y trouveront matière à discussion autant sur la forme que sur le fond. Et puis aussi peut-être la matière à de beaux rêves.
"Le Roi penché", chorégraphie Carolyn Carlson, dramaturgie Marie Desplechin. A partir de 6 ans, durée : 50 min. Du 10 au 16 mai 2012 (scolaires)- Le 12 mai séance Complice "enfants +parents" 15h et 19h30 à la Maison de la Danse - Lyon - 04 72 78 18 18
Prochaines dates : Du 23 au 25 mai 2012 à La Rochelle Théâtre de la Coursive
"Le Roi penché" c'est aussi un CD livre illustré. Auteur Marie Desplechin, illustrations Chen Jiang Hong, Musique René Aubry. Actes sud junior, 21 euros.
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