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Maguy Marin de retour à l'Opéra de Paris après 30 ans d'absence

Maguy Marin, figure majeure de la danse contemporaine, est de retour à l'Opéra de Paris après 30 ans d'absence avec "Les applaudissements ne se mangent pas", une pièce créée en 2002 mais "qui a toute sa place dans l'actualité", dit-elle.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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"Les applaudissements ne se mangent pas" de Maguy Marin
 (Laurent Philippe/ Opéra national de Paris)

Son titre étrange vient de l'écrivain uruguayen Eduardo Galeano, auteur du célèbre "Les veines ouvertes de l'Amérique latine". "Il voulait dire que les ajustements structurels qui ont eu lieu dans les pays d'Amérique latine, les coupes sociales, ont certes été applaudis par les grandes institutions internationales mais qu'ils n'ont aucunement réglé la question de la pauvreté dans ces pays", explique Maguy  Marin .

Toujours d'actualité

"J'étais très heureuse que Benjamin Millepied (directeur du ballet de l'Opéra) m'ait demandé cette pièce-là, parce que ça va la faire revivre et qu'elle a sa place dans l'actualité d'aujourd'hui", dit-elle. "L'Amérique latine a été un laboratoire, pour les Etats-Unis comme pour le FMI, la Banque mondiale, et cette politique a continué à se déplacer. Ce qu'on vit aujourd'hui en Europe, en Grèce ou en Espagne, avait été mis en place là-bas", observe cette artiste engagée, fille de réfugiés espagnols.

Sur la scène de l'Opéra Garnier, entièrement tapissée sur trois côtés d'un rideau de lamelles de plastique multicolore comme on en voit dans le sud de la France et en Amérique latine, les danseurs -quatre femmes, quatre hommes- se frôlent, se jaugent, s'affrontent dans des joutes qui rappellent parfois la capoeira.
  (Laurent Philippe/Opéra national de Paris )

"Il s'agissait de rendre ces ambiances inquiétantes des régimes autoritaires. On sent que derrière le rideau, des pouvoirs s'exercent de l'extérieur, qui affectent les individus, les voisins, la famille", explique la chorégraphe, qui a voulu traduire "la suspicion, la délation, le mépris".

La pièce est très dansée, contrairement à plusieurs oeuvres phares plus "théâtrales" de Maguy  Marin , comme le célèbre "May B" (1981) où des danseurs couverts d'argile évoluaient dans une ambiance de fin du monde. Dans "Les applaudissements... ", les danseurs courent, s'effleurent, multiplient les croisements, entrées et sorties du rideau coloré. La musique, tantôt sourde, tantôt assourdissante, installe une atmosphère inquiétante. 

  (Laurent Philippe/Opéra national de Paris )

Le choc de la danse-théâtre 

C'est seulement la seconde fois en trente ans que Maguy Marin, dont le travail voyage dans le monde entier, est à l'affiche de l'Opéra de Paris. En 1987, Rudolf Noureev l'avait invitée à créer "Leçons de ténèbres" sur la musique de François Couperin.

De formation classique, Maguy Marin sait parfaitement se faire comprendre des danseurs de ballet. "J'ai fait tout le Conservatoire, et puis j'ai décidé de retourner à l'école quand j'ai eu mes premier contrats, je suis partie à l'école Mudra de Maurice Béjart à Bruxelles et ensuite, je suis rentrée dans la Compagnie de Maurice pendant 3 ans", rappelle-t-elle.

Elle quitte Béjart pour explorer cette "danse-théâtre" naissante, au coeur de la démarche de la chorégraphe allemande Pina Bausch dans son fameux "Tanztheater Wuppertal". "Pina, je l'ai connue en 79, quand elle est venue la première fois à Paris au Théâtre de la Ville. Je me situais déjà dans cette démarche de théâtralité et de musicalité et j'ai vraiment senti des affinités. Ça m'a renforcée dans ma démarche. C'était très décrié à l'époque en France, la danse-théâtre", dit-elle.

A 65 ans, Maguy  Marin  est aujourd'hui reconnue comme une figure de la danse, mais son travail a souvent choqué le public. "+May B+ a heurté beaucoup au début mais peut-être de façon moins violente que +Umwelt+ (2004), +Ha! Ha!+ en 2006 et même +Nocturnes+ en 2012", rappelle-t-elle. Le public a-t-il apprivoisé son langage rugueux, déstabilisant? "Je vous dirai ça à ma prochaine pièce", dit-elle en souriant.

Installée à Lyon, où elle a racheté une ancienne menuiserie en 1997, Maguy Marin  prépare avec 9 auteurs une pièce commune intitulée "Passion(s)" qui sera présentée au festival Montpellier Danse en juin prochain, avant une création avec sa compagnie en 2017.       

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