Les bars à tango en péril dans la cité colombienne de Medellin
Loin des berceaux du tango que sont Buenos Aires et Montevideo, c'est dans cette ville qu'est mort, il y a 80 ans, le chanteur et compositeur Carlos Gardel. La mort tragique du "Magicien", tué dans un accident d'avion en pleine tournée, avait encore accentué l'amour de Medellin pour le tango, un amour né avec l'arrivée, au début du 20e siècle, de footballeurs argentins ayant amené leur passion dans leurs bagages.
Au Café Alaska, ouvert depuis 73 ans, les murs sont tapissés de portraits des légendes "tangueras". La clientèle, qui vient écouter cette musique mélancolique typiquement latino-américaine, est exclusivement masculine. Son gérant, Gustavo Rojas, craint que l'établissement ne doive bientôt fermer ses portes, alors que les propriétaires du local négocient sa vente avec un homme d'affaires. "Sur cette avenue, il y avait un bar à chaque coin et deux au milieu de chaque pâté de maison", se souvient-il. "Maintenant ce sont des magasins de chaussures ou des boulangeries", regrette-t-il.
L'avenue où se trouve le Café Alaska, dernier survivant dans cette zone de la ville, s'appelle Carlos Gardel. Le quartier, Manrique, était dans les années 70 l'épicentre du tango à Medellin, quand la ville comptait des dizaines de bars dédiés à cette danse. "Si je ne travaillais pas là, je serais client", affirme Gustavo Rojas avant d'ajouter : "C'est incroyable de ne pas défendre ainsi la culture tanguera".
'Un lieu figé dans le temps'
Le tango a pourtant ses défenseurs dans la ville colombienne, comme Javier Ocampo, propriétaire depuis 30 ans de la Maison culturelle du Tango Homero Manzi, siège de l'association "gardelienne" de Colombie et de l'Académie colombienne du tango. "C'est un endroit pour se rencontrer, pour profiter" de cette musique, raconte-t-il. "Il y a beaucoup de choses qui ont compliqué le maintien de ces commerces : les gens qui écoutent le tango ont vieilli, les travaux d'infrastructure ont changé la composition et la mobilité dans la ville, et, pour finir, l'époque de la violence du narcotrafic, dans les années 1980 et 1990, a fait dépérir la vie nocturne", explique-t-il.
César Arteaga, propriétaire du légendaire Salon Malaga, dans le centre, continue à faire vivre son bar, fondé il y a deux décennies par son père, "par passion" et "amour de l'art". C'est "un lieu figé dans le temps, qui ne change pas avec les modes", dit-il. Mais il reconnaît que son local "est vulnérable et peut disparaître, car il dépend de l'affluence des gens et il génère beaucoup de frais". "Depuis qu'un décret oblige la mairie à promouvoir le tango comme patrimoine, il y a de meilleures initiatives, notamment une qui nous inclut dans une route du tango (à travers la ville), pour attirer les touristes", salue-t-il. "Il y a des académies qui organisent des milongas et attirent beaucoup de jeunes", raconte-t-il.
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