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Alexandre Astier ressuscite Jean-Sébastien Bach

Dans "Que ma joie demeure", Alexandre Astier auteur, comédien et musicien, incarne le compositeur baroque Jean-Sébastien Bach. Il imagine avec beaucoup d'humour que le maître de chapelle donne une masterclass. L'inventeur de "Kamelott" redonne chair au compositeur dont la vie s'articulait autour de trois axes : Dieu, la famille et, bien sûr, la musique. Le spectacle est en tournée en ce printemps 2012. Il faisait halte, à la mi-juin, au Théâtre de la Croix-Rousse, à Lyon.
Article rédigé par franceinfo - Jean-Francois Lixon
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
L'affiche et le filage du spectacle "Que ma joie demeure"
 (DELALANDE RAYMOND/SIPA )

Quand il s'installe dans la salle de spectacle, le public qui ne connaitrait d'Alexandre Astier que son oeuvre télévisuelle pourrait s'attendre à assister à une adaptation de la vie de Jean-Sébastien Bach dans la lignée des délires géniaux de Kamelott. Or le spectateur s'apprête à suivre une masterclass musicale donnée par le kantor de l'église luthérienne Saint-Thomas de Leipzig. Jean-Sébastien Bach a occupé ce poste de 1723 à 1750. Une masterclass, certes, mais au fil de laquelle on rit autant que l'on apprend. Le spectateur se retrouve face à un Jean-Sébastien Bach bien vivant, parfois à la limite de la gouaille, revenu parmi nous avec sa musique, mais aussi ses questionnements religieux, sa rage et ses colères, ses affres de père et son légendaire perfectionnisme. Le tout est accommodé à la sauce Astier. Tout est historiquement juste, à l'exception de l'expression orale. Jamais vulgaire, l'humour joue sur les anachronismes, les décalages.

Alexandre Astier est Jean-Sébastien Bach au festival de Montreux :

[{http://www.youtube.com/watch?v=eFQwIIm9vas
}]

La musique
Elle est de tous les instants. A défaut d'être reconnu de son vivant, le génie de Jean-Sébastien Bach s'est inscrit, pour ce que l'humanité peut espérer d'éternité, parmi les plus grands. Il compose, tente, reprend, parfait plus de mille opus. Astier nous le montre trouvant matière à composer dans les plus infimes détails de la vie quotidienne. La disposition des miettes de son déjeuner ne forme-t-elle pas une portée? Bach-Astier interrompt son repas pour gagner le clavecin et traduire  ce que le hasard (Bach préfèrera penser que c'est Dieu!) a disposé devant lui. Il prend son enfant dans ses bras ? Les caresses sur le dos du bébé se muent en autant de notes qui surgissent de l'esprit, jamais en repos, du Kantor.

La famille
Elle est pour Jean-Sébastien Bach source de joies mais surtout de drames. Sur les vingt enfants issus de ses deux mariages, le compositeur en a vu mourir près de la moitié. Cette tristesse que Dieu, dans le spectacle, l'aide à identifier pèse sur sa vie. Est-ce bien Bach, cet homme ivre qui peste dans les relents d'un vin bien éloigné de la gaieté ? Oui, c'est lui, et Astier nous mène doucement, avec humour mais aussi tendresse, sur le chemin de cet homme qui, malgré le poids de ses peines, ne renoncera jamais à sa poursuite de la perfection. Perfection de la composition, mais aussi de l'interprétation et de l'enseignement.
Dans l'oreille de Bach, il y a toujours la musique, mais résonnent aussi les rires et les pleurs de ses enfants, les vivants et les morts.

Dieu
C'est à Lui, malgré les deuils successifs qui l'affligent, que Bach offre la perfection. Celle, par exemple, du contrepoint. Celle encore de ces fugues en miroir, équivalent musical du palindrome en littérature et qui peuvent donc être lues à l'envers. La quête toujours renouvelée de cette perfection va bien au delà du jugement des hommes. C'est à Dieu qu'il dit ses colères et ses doutes quand il se confesse alors que luthérien, il ne sait rien du rite de la confession. Astier réussit ce tour de force de provoquer le rire avec les interrogations existentielles, les mêmes aujourd'hui qu'au XVIIIe siècle. C'est peut-être aussi grâce à cette proximité que le pari audacieux d'Alexandre Astier est gagné. Il traduit en mots d'aujourd'hui des préoccupations communes à l'humanité. Que cette humanité ait vécue au temps du baroque ou à celui du rock.

Alexandre Astier
Sur la scène, un banc et un clavecin. L'instrument, comme la viole de gambe à un moment du spectacle, n'est pas un élément du décor. Quand le comédien s'asseoit au clavier, quand il saisit l'archet, il ne mime pas l'interprète pendant qu'une bande-son apporte la musique. Il joue, le geste est sûr, la musique parfaite. Il faut dire qu'il ne s'improvise pas musicien : en même temps qu'il prenait des cours de comédie Alexandre Astier suivait les enseignements du conservatoire et de l'American School of Modern Music de Paris. Au même titre que l'aurait fait Jean-Sébastien Bach au cours de sa masterclass, il fournit des exemples d'interprétation, semble créer des morceaux, installe une complicité avec le public, et plus encore avec le public musicien. Il ose ainsi le clin d'oeil quand il modifie des compositions que son personnage reconnait pourtant directement inspirées par Dieu.
Alexandre Astier est un véritable instrumentiste. Arrivé presque par hasard à la comédie, il s'est donné les moyens, dans ce spectacle, de mettre en lumière ces deux atouts en les croisant.

Assister à l'une des représentations de "Que ma joie demeure" réjouit le coeur et l'esprit. Rire et apprendre, écouter et entendre, redécouvrir l'homme Jean-Sébastien Bach derrière la signature et le répertoire. On aurait tous voulu se voir ainsi enseigner la musique sur les bancs du lycée. Alexandre Astier nous le prouve dans un éclat de rire intelligent : il n'est jamais trop tard pour réviser son Bach.

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