Netflix s’allie à la Cinémathèque française pour préserver les films de patrimoine
Le premier chantier de cette association est la reconstitution du monumental "Napoléon" d’Abel Gance de 1927.
Après l’obligation faite aux plateformes de streaming présentes en France d’investir dans le cinéma français, Netflix s’est engagé à soutenir la Cinémathèque française dans la préservation des films du patrimoine national. La première collaboration entre le géant américain du streaming et l’institution française donne lieu en premier lieu à une nouvelle restauration du film de 1927 Napoléon d’Abel Gance. Un autre volet de cette association est consacré à l’organisation de projections événementielles et de rencontres autour du cinéma.
Une œuvre en constant devenir
Considéré comme un chef-d’œuvre du cinéma mondial, le Napoléon d’Abel Gance a subi plusieurs remaniements et restaurations au fil des âges. Ce film muet était sorti l’année-même de la naissance du cinéma parlant (1927). Il devait être remanié dès 1935 par Abel Gance lui-même pour répondre aux nouveaux critères du parlant, avec une nouvelle structure narrative.
Le film a depuis fait l’objet de cinq restaurations entre 1953 et 2000, en mélangeant les différentes versions de l’œuvre. L’association entre la Cinémathèque et Netflix vise à reconstituer l’œuvre originelle de plus de sept heures conçue par Abel Gance, dite version "Apollo". Initiée en 2008 par le réalisateur et chercheur Georges Mourier, cette future nouvelle version repose sur un nettoyage et une restauration des images du film qui ont beaucoup souffert au fil des ans (rayures, taches, parasites…). Une autre étape consiste à collecter des images du film dispersées dans les diverses copies réparties à travers le monde, afin d’aboutir à sa version la plus complète possible.
L’objectif est d’aboutir à une version définitive d’ici à la fin 2021, "pour le bicentenaire de la mort de l’Empereur", a annoncé Frédéric Bonnaud, directeur général de la Cinémathèque. "Nous sommes heureux du concours décisif de Netflix pour la reconstruction de ce grand chef-d'œuvre du cinéma mondial, avec le soutien initial du CNC, l'aide notable d'un mécène privé et, enfin, la contribution de la Fondation Napoléon. Nous sommes convaincus que ce projet d'ampleur est le début d'un partenariat fructueux avec Netflix", a déclaré Frédéric Bonnaud dans un communiqué.
Le mécénat selon Netflix
Pour l’heure, aucune précision n’a été donnée sur l’organisation des projections événements et des rencontres autour du cinéma à venir, promises par Netflix à la Cinémathèque. Mais la plateforme s’est déjà engagée par le passé au côté de l'institution.
Martin Scorsese avait présenté en avant-première à la Cinémathèque son film fleuve de 3h30 réalisé pour Netflix, The Irishman, et un même sort avait été réservé cet automne à Mank de David Fincher, sur le scénariste de Citizen Kane d’Orson Welles, Herman J. Mankiewicz. Le temple de la cinéphilie avait par ailleurs organisé une master class du réalisateur Demian Chazelle autour de sa série The Eddy, en présence de ses coréalisateurs Houda Benyamina et Alan Poul, ainsi que la coréalisatrice Laïla Marrakchi.
Le géant du streaming s’était engagé très tôt dans la défense d’une cinéphilie exigeante en participant en 2018 à la reconstitution du mythique dernier film inachevé d’Orson Welles De l’autre côté du vent (1970-76). Netflix s’est par ailleurs distingué dans cette opération séduction de la cinéphilie mondiale, et notamment française, en acquérant les droits des classiques d’Alain Resnais, de David Lynch ou de François Truffaut. "Netflix veut jouer le bon élève et montrer qu'il n'est pas l'ennemi du cinéma français", a expliqué vendredi 15 février sur franceinfo Pascal Lechevallier, spécialiste de la dématérialisation et des médias, président-fondateur de What’s Hot Media, agence de conseil en nouveaux médias.
L’aide des plateformes au cinéma
"Nous avons abouti", avait annoncé jeudi 17 décembre sur France Inter la ministre de la Culture Roselyne Bachelot, se référant aux négociations avec les plateformes (Netflix, Amazon Disney etc), les contraignant à contribuer au financement de la création française. Ce financement se fera à hauteur de "20 à 25% du chiffre d'affaires" avait-elle détaillé. L'enveloppe peut par ailleurs être en partie destinée aux films de patrimoine.
"Nous transmettons au CSA et la Commission européenne, ce qu'on appelle le décret Smad, pour services de médias audiovisuels à la demande, qui va obliger les plateformes à participer à la création cinématographique et audiovisuelle française", avait précisé la ministre. Ainsi Netflix paiera "entre 150 et 200 millions d'euros" par an, a expliqué la ministre de la Culture. Pour l'instant "c'était zéro" soulignait-elle. "Il y a une disposition qui fait que les plateformes, à partir du moment où elles participeront à la restauration d'œuvres cinématographiques du patrimoine, pourront inclure ces dépenses dans leur quota de participation au financement de l'audiovisuel en France", précise quant à lui Pascal Lechevallier.
Ce dernier souligne que "c'est extrêmement symbolique pour le cinéma français que (Netflix) s'associe à la Cinémathèque, qui est le point d'ancrage de toute l'histoire du cinéma mondial. C'est un signe très fort d'accompagnement de Netflix et sans doute un geste politique de leur part pour un engagement financier très faible."
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