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Record pour un portrait de Marilyn Monroe par Warhol : "Le système marchand prend sa revanche", affirme un professeur d'histoire de l'art

Hervé Vanel, professeur en histoire de l'art à l'Université américaine de Paris, revient sur "Shot Sage Blue Marilyn", un portrait de Marilyn Monroe par le maître américain du pop art Andy Warhol vendu aux enchères pour 195 millions de dollars.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
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Le tableau d'Andy Wahrol exposé chez Christie's, à New York, le 21 mars 2022. (DIA DIPASUPIL / GETTY IMAGES NORTH AMERICA)

Shot Sage Blue Marilyn, un célèbre portrait de Marilyn Monroe par le maître américain du pop art Andy Warhol, adjugé pour 195 millions de dollars lundi 9 mai à New York, est devenu l'œuvre d'art du XXe siècle la plus chère jamais vendue lors d'enchères publiques. Pour Hervé Vanel, professeur en histoire de l'art à l'Université américaine de Paris, "on ne peut pas justifier des mécanismes de spéculation tels que ceux-là qui fondamentalement sont injustifiables".

franceinfo : Peut-on justifier un tel prix pour une œuvre d'art ?

Hervé Vanel : Warhol, c'est devenu une marque de fabrique. Ce n'est pas la "Marilyn" qui est si chère, c'est la marque de fabrique. Maintenant, c'est là le problème : on ne peut pas justifier des mécanismes de spéculation qui fondamentalement sont injustifiables. L'art pop en général, le sien en particulier, joue avec les codes, les valeurs du système capitaliste et marchand, avec la logique de la production de masse et de la société de consommation. On est dans une situation assez aberrante où on se trouve en face d'un art qui joue avec ces aspects de production en masse. Warhol produit en série, de manière répétitive, certains motifs : les boîtes de conserve, Elvis, Marilyn, Liz Taylor, des fleurs, Mao... Il fait un parallèle, une équation entre l'art et le monde marchand, où l'art peut être considéré comme une marchandise. Il subvertit la logique de la rareté, et échappe au mythe du chef-d’œuvre, de l'œuvre d'exception et, généralement, aux valeurs traditionnelles des beaux-arts. Au contraire, une œuvre d’art d’exception, ça n’a pas de prix – comme on dit généralement pour le justifier.

Est-ce que pour un musée, c'est simple de se procurer un Warhol ?

195 millions, ça dépasse un peu l'entendement. Le problème, c'est qu'à ce prix-là, il va falloir le conserver sous cloche. Parce que ça rend toute circulation extrêmement difficile. Aucun musée ou établissement public n'a les moyens d'assurer un tableau à ce prix-là.

Les propriétaires de tableaux comme celui-là peuvent les prêter à des musées pour qu'ils soient exposés ?

Les prêter, sans aucun doute, mais encore faut-il les assurer, et à 195 millions, bonne chance.

Il est donc désormais impossible de présenter cette "Marilyn" dans une exposition Warhol ?

C'était déjà le cas. On se trouvait déjà il y a quelques années dans une situation où au lieu de pouvoir exposer 20, 30 toiles de Warhol sur la même série, il fallait en choisir une ou deux. C'est-à-dire d'une certaine manière réintégrer dans l'œuvre de Warhol une logique de rareté, d'exception qui ne lui appartient pas. Il y a vraiment une forme de distorsion de son art. D'une certaine manière, le système marchand prend sa revanche sur Warhol.

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