Rachida Dati à la Culture : les dossiers qui attendent la nouvelle ministre

Nommée ministre de la Culture au sein du gouvernement Attal, Rachida Dati doit se pencher sur plusieurs dossiers ouverts par Rima Abdul Malak, qui l'a précédée rue de Valois.
Article rédigé par Yemcel Sadou, Neil Senot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 6 min
Rachida Dati, le 25 novembre 2019, à Paris. (JOEL SAGET / AFP)

Après un an, sept mois et vingt-deux jours, Rima Abdul Malak quitte son poste de ministre de la Culture. Pour assurer sa succession, le président a nommé Rachida Dati. Actuelle maire du 7e arrondissement et ministre de la Justice sous Sarkozy, la nouvelle occupante de la rue de Valois se voit réattribuer les 11 milliards d’euros de budget obtenus par la précédente ministre pour l’année 2024. Si Rachida Dati a d’ores et déjà évoqué sa volonté de défendre "l’exception culturelle française", de "bâtir une nouvelle culture populaire pour tous" et de veiller sur le chantier de Notre-Dame, d’autres dossiers l’attendent au tournant.

Affaire Depardieu et positionnement autour de #MeToo

En pleine controverse sur les propos et les attitudes tenus par Gérard Depardieu lors d’un voyage en Corée du Nord en 2018 et révélés dans le magazine "Complément d’enquête" diffusé sur France 2 le mois dernier, Rima Abdul Malak avait pris position, affirmant notamment le 15 décembre, que Gérard Depardieu faisait "honte à la France". Une déclaration largement perçue comme à l'origine du désaveu du président de la République.

Quelques jours plus tard en effet, Emmanuel Macron proclamait à l’antenne de l’émission "C à vous" être un "grand admirateur" de Gérard Depardieu, ajoutant que celui-ci "rend fière la France". Celle qui était garde des Sceaux sous le mandat de Nicolas Sarkozy devra ainsi se positionner autour de cette affaire et plus largement sur le #MeToo français qui secoue depuis plusieurs années le milieu du cinéma et de l’audiovisuel.

Intelligence artificielle et droit d'auteur

En octobre dernier, un collectif de plus de 70 organismes professionnels des secteurs de la création et des industries culturelles interpellait les pouvoirs publics via une tribune publiée dans les colonnes du Monde. Les signataires y demandaient la construction d'une intelligence artificielle "de rang mondial et respectueuse de la propriété littéraire et artistique". Un accord a depuis été signé par les États membres de l'Union européenne. Il met en place une législation inédite au niveau mondial pour réguler l'intelligence artificielle et éviter de potentielles dérives. Les eurodéputés ont notamment réclamé une plus grande transparence sur les algorithmes et les bases de données.

Si les syndicats du monde de la culture ont salué cette avancée, le dossier est loin d'être entériné. Au début de la semaine, la société OpenAI a reconnu utiliser des contenus protégés par le droit d'auteur pour entraîner le logiciel ChatGPT, contenus sans lesquels il lui serait "impossible" de faire progresser les intelligences artificielles. Une déclaration qui met largement le doigt sur le problème soulevé le collectif. Alors que la voix d'une artiste comme la chanteuse Angèle est utilisée pour inventer grâce à l'intelligence artificielle des reprises inédites et qu'il est possible de créer des écrits dans le style de n'importe quel auteur, la nouvelle ministre de la Culture – plus connue pour son style offensif que pour son amour des négociations – va inévitablement devoir reprendre le débat.

Le secteur du cinéma en tension

Dans le cadre de la "Grande Fabrique de l’image", plan d’investissement lancé en mai 2023 lors du Festival de Cannes par Rima Abdul Malak, la filière du cinéma et de l’audiovisuel doit bénéficier de 350 millions d’euros. Soixante-huit projets ont été retenus. Selon Emmanuel Macron, à l’origine du plan, il s’agit de développer davantage les tournages et les secteurs de postproduction et de formation, mais aussi de moderniser les infrastructures du secteur, afin de "faire de la France un leader de demain" et "d’affirmer notre souveraineté technologique et culturelle".

Rachida Dati devra mener à bien ce projet dans un secteur en tension. Elle devra continuer de garantir l’équité entre diffuseurs français et plateformes mondiales. "La marchandisation de la culture que le gouvernement néolibéral défend est en train de casser l’exception culturelle française", disait Justine Triet dans son discours de remise de la Palme d'or. Depuis la directive européenne "Services de médias audiovisuels" (SMA), les plateformes (Netflix, Amazon, Disney…) doivent investir au minimum 20% de leur chiffre d’affaires réalisé en France dans la création audiovisuelle et cinématographique française et européenne.

Des mesures jugées insuffisantes par le dernier rapport de la Cour des comptes sur la gestion financière du Centre national de la cinématographie. La Cour estime que les dispositifs d’aides publiques au cinéma sont "croissants", "complexes" et "fragiles". "La révision générale des soutiens […] n’a cependant abouti jusqu’à présent qu’à peu de réformes concrètes", pointe la Cour qui recommande "une réforme approfondie des aides".

L'avenir de l'audiovisuel public et le projet de holding ?

Depuis la fin de la redevance audiovisuelle publique, les fonds qui financent France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'Institut national de l’audiovisuel demeurent encore flous. Rachida Dati devra prendre en charge le lourd dossier de l’audiovisuel public faisant partie du portefeuille du ministère de la Culture. Parmi les points principaux évoqués par les différents acteurs, la création d’une holding, un rassemblement de l’audiovisuel public qui prendrait le nom de "France Médias".

Un projet rejeté par Rima Abdul Malak qui déclarait, le 8 juin dernier, au Syndicat national des journalistes (SNJ), ne pas voir "de nécessité absolue de constituer une holding de l’audiovisuel public". Jeudi 11 janvier, la présidente de France Télévisions a confirmé son souhait de voir ce rapprochement se réaliser dans son discours annuel de début d’année. Les orientations stratégiques de ces rapprochements doivent encore être discutées. Le Sénat s’était majoritairement prononcé en faveur du projet le 12 juin dernier.

À la tribune, Rima Abdul Malak avait martelé son opposition au projet, comme d’autres élus de gauche. "C’est retarder, il me semble, des projets indispensables. C’est mobiliser l’énergie des entreprises sur des réorganisations de structures au détriment des priorités urgentes", avait-elle déclaré. Malgré le vote du Sénat, le texte a peu de chance de perdurer et d’aller au bout. Il faudrait déjà qu’il soit inscrit à l’Assemblée, puis éventuellement adopté, dans les mêmes termes ou pas. L’incertitude demeure sur le montant et le mode de financement.

La compensation des potentielles pertes financières après les Jeux olympiques

Spectacles, festivals, expositions… Des milliers d’évènements culturels continueront à foisonner partout en France malgré la tenue des Jeux olympiques 2024, à Paris, du 26 juillet au 11 août. Mais à quel prix ? La fréquentation sera-t-elle au rendez-vous ? L’accessibilité sera-t-elle assurée pour les spectateurs et les employés ? Les tournages de films pourront-ils se poursuivre ? Autant de questions encore floues, auxquelles Rachida Dati devra indéniablement répondre avant le début des Jeux.

Car les incertitudes sont grandes. Où trouver notamment des forces de l’ordre pour assurer la sécurité ? Selon le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, "environ 30 000 policiers et gendarmes par jour" seront mobilisés en moyenne pendant les JO. La sécurité devra être au rendez-vous dès le 23 juin pour le passage de la mythique flamme olympique dans 600 villes. Elle devra également se prolonger du 28 août au 8 septembre pour les Jeux paralympiques. Face à cette mobilisation importante, Rima Abdul Malak n’avait pas exclu que certains grands évènements culturels puissent être annulés, inquiétant les puissants syndicats du monde de la culture.

En cas d’annulations, les pertes pourraient peser lourd pour les institutions culturelles. Et comment les compenser ? Si les festivals sont annulés, "nous exigerons compensation", déclarait au journal Le Monde, Malika Seguineau, la directrice générale du Prodiss, l’organisation patronale des principales entreprises du spectacle musical et de variété. "Le sport aura la priorité parce que les JO n’ont lieu à Paris qu’une fois par siècle et qu’il en va de l’image de la France", disait Gérald Darmanin. Un bras de fer pourrait s’engager avec Rachida Dati dont on ne connaît toujours pas la position.

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