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Un musée dédié au théâtre forain à Artenay, dans le Loiret
Au coeur de la Beauce, le musée du théâtre forain d'Artenay (Loiret) met en scène l'univers singulier de ces théâtres démontables qui ont sillonné les campagnes de France jusque dans les années 1960, sur les traces de Molière et sa troupe.
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Installé depuis 1995 dans une grange à grains du XVIIIe siècle, le musée du théâtre forain d'Artenay doit sa création à l'acquisition du fonds Créteur-Cavalier, conservé par Jean Créteur, directeur du dernier théâtre itinérant de France, fermé en 1974. L'ancien acteur, devenu ouvrier dans les environs d'Artenay après avoir incarné plus de 400 rôles, avait éveillé l'intérêt du maire de l'époque, José Cardona, qui batailla dix ans pour faire aboutir le projet.
Molière saltimbanque de "L'illustre théâtre"
Ces collections, enrichies au fil du temps, constituent l'unique témoignage de cette aventure artistique un peu oubliée. Pourtant, les théâtres forains ont été très populaires. Au début du XXe siècle, on dénombrait 200 troupes ambulantes en France, avec de grandes familles comme les Delemarre, Camp, Cavalier, ou Ferranti.
Mais ces théâtres se sont essoufflés après la deuxième guerre mondiale. Faute d'avoir su se renouveler, ils ont fini par tirer le rideau, ruinés par le cinéma et la télévision.
"On a du mal à l'imaginer, mais il s'agissait de véritables salles démontables en bois, fermées, dont les plus grandes accueillaient un millier de spectateurs. Sur la route, les convois, tirés par des tracteurs ou même des locomotives à vapeur sur roues, pouvaient atteindre plusieurs centaines de mètres, et leur arrivée dans une commune ne passait pas inaperçue", raconte le directeur du musée, Benoît Têtu.
De ces baraques, il ne reste rien, si ce n'est des maquettes, présentées au musée situé à une dizaine de km au nord d'Orléans. Mais les costumes, programmes, photos, décors de scène, caravane et accessoires permettent de relater le quotidien de la troupe, qui posait son théâtre pour deux ou trois mois dans une même bourgade avant de partir conquérir un nouveau public quelques dizaines de kilomètres plus loin.
La tradition remontait au moins à l'époque de Molière, dont la troupe avait écumé les routes de l'ouest et du sud de la France pendant 12 ans, avant que le comédien n'entame sa carrière d'auteur dramatique à succès vers 1658, en se fixant à Paris, sous l'égide de "Monsieur", frère de Louis XIV.
Les premières vitrines du musée évoquent la parade, en musique, qu'effectuaient les troupes à leur arrivée pour attirer les spectateurs, et la représentation, avec un répertoire particulièrement éclectique: des pièces légères aux titres évocateurs - "Elle n'a pas de pantalon" ou encore "Et moi j'te dis qu'elle t'a fait de l'oeil" - des vaudevilles, des opérettes, des mélodrames comme "Les deux orphelines" ou "La Dame aux camélias", et même des drames religieux, comme "La Passion du Christ".
Les places étaient très bon marché, et les troupes sans doute plus ou moins bonnes. "Mais ce n'était pas pour autant un théâtre au rabais", commente Elena Le Gall, responsable du service des publics. "On le voit bien à la qualité des costumes qui sont présentés ici", ajoute Lydia Metais, présidente de l'association des amis du musée et fille de Jean Créteur, qui a longtemps joué dans la troupe familiale. "Nous avions vraiment à coeur d'impressionner notre auditoire !"
De l'uniforme militaire à la robe de Blanche de Caylus dans Le Bossu, le musée expose plusieurs dizaines de costumes de scène, mais en compte plus de 2.000 dans ses réserves, ce qui en fait l'une des toutes premières collections de France.
Avec 200.000 euros de budget et cinq permanents, le musée accueille environ 10.000 visiteurs par an. Il possède aussi une jolie petite salle de théâtre où le directeur programme une vingtaine de spectacles par saison, à petit prix, dans la droite lignée du théâtre forain.
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