Un extraordinaire sanctuaire romain découvert dans l'Oise
Le site archéologique, encore récemment un terrain de football, a longtemps été, semble-t-il, une zone de cultures. Inséré dans l’urbanisation du XXIe siècle, l’ensemble cultuel semble isolé dans sa localisation antique, au bord de la voie romaine Compiègne-Senlis. Il possédait apparemment deux petits pavillons à l’arrière et un sanctuaire (avec la statue du dieu honoré) au centre. Edifices dont il reste peu de choses.
Reportage : E. Mesplede, T. Le Bras, L. Lavieille
En fait, c’est sa façade monumentale qui éveille l’intérêt : en l’occurrence un portique de 9,50 m de haut, un mètre de large et 70 m de long, absolument exceptionnel en Gaule romaine. Schématiquement, l’ensemble, édifié en calcaire local, est percé d’une série de 13 à 17 arcades, surmontée d’une frise dont le décor rappelle celui… des arcs de triomphe. Sont ainsi représentés des monstres marins, tels des méduses, des griffons (dont on distingue la chevelure et les oreilles). Mais aussi tous les grands dieux du Panthéon antique: Jupiter, Apollon, Diane, Vulcain… On retrouve parfois des traces de peinture sur les sculptures fort bien sauvegardées.
La statue la mieux conservée est celle d’une Vénus accroupie à côté de la tête d’une vieille femme dont l’expression dramatique évoque certaines représentations du Moyen Age. Mais en fait, il s’agit de l’illustration d’un épisode légendaire rapporté par Homère : la vieille femme avait surpris la déesse réfugiée dans un bois et l’avait raconté aux autres dieux. La belle n’avait pas du tout apprécié et avait transformé la délatrice en… rocher. «On a là le canon de l’Aphrodite accroupie depuis l’époque grecque. C’est le premier exemple de ce type que je connaisse en Gaule», explique Véronique Brunet-Gaston, responsable d’opération à l’INRAP (Institut national de recherches archéologiques préventives).
Effondrement
Le portique, étroit et haut, avait été édifié sur un sol sableux instable et très humide (car situé dans un ancien méandre de l’Oise). Lien de cause à effet ? Il s’est effondré assez rapidement après sa construction, laissant par terre des centaines de blocs et de fragments dont certains ont été réutilisés sur place. «Il a basculé sur l’arrière. Dans ce contexte, de nombreux éléments sont tombés en restant en place : on retrouve ainsi tous les 3,60 m des éléments de pilastres (colonnes plates encastrées dans un mur) encadrant une arcade», observe Véronique Brunet-Gaston.
Reste à savoir ce que faisait là cet ensemble monumental. «Pour l’instant, nous en sommes réduits à des hypothèses. Une chose est sûre cependant: il s’agissait d’un monument important, comme le montre la qualité de la construction. Un monument peut-être élevé à proximité d’une ville romaine dont nous ignorons l’existence», raconte Pascal Depaepe, directeur interrégional Nord-Picardie à l’INRAP. Il semble cependant à peu près acquis qu’il s’agissait d’un lieu de culte important, peut-être dédié à un empereur. Rappelons que l’ensemble a été daté de la seconde moitié du IIe siècle de notre ère, à la fin du règne d’Antonin. «Il s’agissait d’un sanctuaire ou peut-être d’un forum grandiose dans le délire de la prospérité économique de l’époque», explique la responsable d’opération.
En dehors des impressionnantes sculptures, les archéologues ont retrouvé fort peu d’objets : essentiellement des monnaies du IVe siècle après J.C. et d’autres de l’époque gauloise. Ce qui semble prouver que les Romains ont repris un lieu de culte antérieur de l’époque celte.
Pour l’instant, les archéologues sont donc confrontés à de très nombreuses questions sans réponse. D’autant qu’aucune mention n’est faite du site dans les textes. Ce qui ouvre un vaste champ d’investigation aux chercheurs. «Le travail ne fait que commencer», souligne Pascal Depaepe. L’ensemble sculptural va donc être déplacé pour être étudié. Sans qu’on sache encore où il sera entreposé dans l’avenir. «En tout cas, avec cet ensemble de statues, plus besoin d’aller au Louvre !», conclut en riant une archéologue du site qui n’a jamais rien vu de tel en 30 ans de métier.
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