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Tombouctou : le jihadiste accusé de la démolition de mausolées jugé lundi

Un procès inédit s'ouvre lundi devant la Cour pénale internationale pour des faits remontant à 2012. Un jihadiste malien est accusé d'avoir détruit neuf des mausolées de Tombouctou (Mali), classés au Patrimoine mondial de l'humanité. C'est le premier jihadiste présumé à comparaître devant la justice internationale et le premier à répondre de crimes commis pendant le conflit malien.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Mausolée d'Alpha Moya, le 4 février 2016, à Tombouctou (Mali).
 (SÉBASTIEN RIEUSSEC/AFP)

Alors que 55 sites sont officiellement classés "en danger" à travers le monde, un procès inédit doit s'ouvrir lundi devant la Cour pénale internationale (CPI) pour la destruction de mausolées classés au Patrimoine mondial de l'humanité à Tombouctou (Mali). Ahmad Al Faqi Al Mahdi, jihadiste malien présumé d'avoir réalisé ces démolitions, a prévu de plaider coupable. Premier accusé à répondre de crimes de guerre pour destruction de patrimoine culturel, il devrait alors être la première personne à reconnaître sa culpabilité dans l'histoire de la Cour. L'accusé veut plaider coupable car il est, assure son avocat Mohamed Aouini, "un musulman qui croit en la justice". Il veut également "demander pardon aux habitants de Tombouctou et au peuple malien".

Coups de pioche, de houe et de burin

L'accusation affirme que cet homme aux petites lunettes, né vers 1975,  était un membre d'Ansar Dine. Cette organisation fait partie des groupes jihadistes liés à  Al-Qaïda qui ont contrôlé le nord du Mali pendant environ dix mois en 2012. Ils ont ensuit été en grande partie chassés par une intervention internationale déclenchée en janvier 2013. En tant que chef de la Hisbah, la brigade islamique des moeurs, il aurait ordonné et participé aux attaques contre les mausolées, détruits à coups de pioche, de houe et de burin entre le 30 juin et le 11 juillet 2012. La porte de la mosquée Sidi Yahia a également été visée. 

Les personnages vénérés enterrés dans les mausolées valent à Tombouctou son surnom de "Cité des 333 saints" qui, selon des experts maliens de l'islam, sont considérés comme les protecteurs de la ville, susceptibles d'être sollicités pour des mariages, pour implorer la pluie ou lutter contre la disette... Ce sont ces rites, contraires à leur vision rigoriste de l'islam, que les jihadistes ont tenté d'éradiquer, avant d'en venir à la destruction des mausolées, selon l'accusation.

"Disséminer la peur et la haine"

Le site a depuis été reconstruit mais pour la procureure Fatou Bensouda, l'enjeu des procédures "va plus loin que des pierres et des murs". Selon elle, les attaques avaient pour cibles "la dignité et l'identité de populations entières ainsi que leurs racines religieuses et historiques". Cet acte est "devenu une tactique de guerre pour disséminer la peur et la haine", a écrit récemment la directrice générale de l'Unesco, Irina Bokova, dans le magazine en ligne International Criminal Justice Today. Ces attaques ont pour but de "réduire en lambeaux le tissu même de la société", a-t-elle ajouté, soulignant qu'il est "essentiel" que ces crimes ne restent pas impunis.

Les experts espèrent que le procès délivrera un message fort contre la destruction de biens culturels, alors que la vallée de Bamiyan (Afghanistan), dont les bouddhas avaient été détruits en 2001 par les talibans, et la cité antique de Palmyre (Syrie), partiellement détruite et pillée par les jihadistes de l'Etat islamique, sont toujours en danger.

Effacer le passé   

Tout en se félicitant de la tenue de ce procès pour destruction de  patrimoine culturel, des ONG ont regretté l'absence d'autres chefs  d'accusation, notamment pour les violences sexuelles perpétrées au cours du conflit dans le nord du Mali. En outre, même si la liste des sites en danger ne cesse de s'allonger, d'autres poursuites ne seront pas évidentes. Ni l'Irak, ni la Syrie n'ont signé le Statut de Rome, le traité fondateur de la CPI : sans décision de l'ONU, aucune enquête n'est possible. 

Pour l'archéologue Christopher Jones, qui a catalogué des dizaines d'attaques de ce type de l'EI sur son blog "Les portes de Nineveh", les  jihadistes ne veulent pas seulement effacer une culture. "En détruisant une mosquée chiite, vous effacez un système alternatif de croyances", a-t-il expliqué à l'AFP. "Vous déconnectez les peuples des éléments qui les lient" à leurs villes, pour qu'ils n'aient "plus de passé". Fondée à partir du Ve siècle par des tribus touareg, tirant sa prospérité du commerce caravanier, Tombouctou est devenue un grand centre intellectuel de l'islam et a connu son apogée au XVe siècle.

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