Pour ses 120 ans, le Belem offre à son luxueux mobilier une cure de jouvence
Construit en 1896 aux chantiers Dubigeon de Nantes, le navire effectue 33 campagnes commerciales jusqu'en 1914, transportant dans sa coque d'acier des marchandises du Brésil, de Guyane et des Antilles. Victime de la concurrence des bateaux à vapeur, il est sauvé de l'abandon par le duc de Westminster qui le transforme en élégant yacht de croisière.
Escalier à double révolution et pièces du mobilier fabriqués en bois d'acajou de Cuba, une essence très onéreuse devenue rare : "ce bateau est un bijou", s'enthousiasme Christelle de Larauze, déléguée générale de la Fondation Belem, qui depuis trente ans embarque des stagiaires à bord du navire-école, huit mois par an.
"Utilisés au quotidien par l'équipage, les meubles d'origine étaient bien abîmés et il devenait urgent de les restaurer. Après avoir consolidé l'étanchéité du pont supérieur, on a pu lancer ce programme de restauration, pile poil pour les 120 ans", souligne-t-elle. Une bibliothèque, un bureau, un fauteuil en cuir et un meuble bar ont pu quitter début février le salon du commandant, d'à peine 15 m2, pour un toilettage aux Ateliers de la Chapelle, entreprise familiale située au Longeron, près de Cholet (Maine-et-Loire). Une opération autorisée par la Direction régionale des affaires culturelles, qui finance 50% des travaux - d'un coût total de 15.000 euros.
C'est un "chantier un peu complexe" pour ces spécialistes de la restauration de boiseries anciennes. "Comme le bateau est toujours utilisé, au fil du temps, il y a eu beaucoup de réaménagements. Le bureau a été démonté, des éléments ont été réassemblés avec des clous, quelques bricolages ont abîmé les vernis, des taquets ont été posés pour condamner les portes des bibliothèques et ont fait des rayures", énumère Pierre Gilbert, responsable de l'atelier de restauration.
"Conserver l'authenticité"
Le bureau du capitaine, fendu en deux après avoir valsé lors d'une tempête en 2014, puis rafistolé avec les moyens du bord par le charpentier de marine du Belem, a été démonté, et son dessus de cuir, gercé, envoyé pour réfection. Sur le meuble, il a fallu "restituer les moulures qui avaient disparu, avec des acajous de Cuba, un bois aujourd'hui interdit à la vente mais qu'on avait en stock dans nos ateliers. On a dû faire refaire aussi toutes les clés de tiroirs, toutes manquantes. Des clés complètement modernes mais rééditées comme ce qui se faisait à l'origine", détaille Pierre Gilbert. Si une grande partie des zones rayées sont relissées et revernies, il n'est "pas question d'éliminer toutes les traces de coups car elles racontent l'histoire du bateau", affirme l'ébéniste-restaurateur.Revendu en 1921 au brasseur Arthur Ernest Guiness, le trois-mâts long de 58 mètres accoste en 1952 à Venise, où il devient navire école, avant d'être racheté en 1979 par la Caisse d'Epargne, qui créera un an plus tard la Fondation Belem. "Toutes ces périodes successives ont donné au bateau son identité actuelle. Le Belem est classé depuis 1984 et cela implique de conserver au maximum les matériaux d'origine mais cela n'est pas toujours évident pour le patrimoine technique", explique Julie Guttierez, conservateur des monuments historiques à la Drac des Pays de la Loire. "Il faut toujours concilier conservation et utilisation, conserver l'authenticité du bateau tout en lui permettant de naviguer au mieux".
Le trois-mâts repartira le 31 mars pour sept mois de navigation, de Nantes à Brest, puis Marseille ou Tanger. Et reviendra le 4 juin dans la cité des ducs de Bretagne pour son 120e anniversaire et une parade sur la Loire.
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