Le long travail de mémoire des attentats du 13 novembre mené par Les Archives
"On peut avoir plus de tablettes pour les étagères ?" Sous les néons d'une salle des Archives de Paris, la restauratrice Emilie Legrand cherche de la place. Soigneusement posés sur une couche de buvards et de textile non tissé, une large mosaïque de dessins d'enfants aux couleurs délavées par la pluie, de messages de soutien et d'appels à la liberté détrempés recouvre la seule table de la pièce. Alors on rajoute des tablettes aux étagères alentours pour mettre à sécher un exemplaire gondolé du Petit Prince en allemand, un billet de concert au Bataclan daté du 12 novembre, un avion en papier marqué "Frieden. Peace. Paix"...
Le long travail de collecte sur les sites
Après le café "A la Bonne Bière" et le voisinage du bar "La Belle Equipe", les employés des Archives, accompagnés d'agents de la Propreté de Paris, ont commencé à récolter jeudi 10 décembre certains hommages déposés autour du Bataclan, où sont tombés 90 des 130 morts des attentats."Ca va être un gros défi de trouver de la place", soupire Emilie Legrand : "Il faut cinq tables pour faire sécher un carton. On a une quinzaine de cartons et il faut compter environ 24 heures de séchage. Il faut aller vite et on a beaucoup de volume." D'autant que d'autres collectes sont prévues dès la semaine prochaine. Mais pas question de supprimer pour l'instant ces lieux de recueillement. Agents des Archives et de la propreté y retirent seulement les fleurs fanées et les bougies consumées ou cassées, nettoient les trottoirs et collectent les ex-voto les plus abîmés. "On maintient les documents en bon état, on prélève les plus endommagés", assure le directeur des Archives de Paris, Guillaume Nahon.
Uniquement les documents papiers
Les objets - peluches, guitare, drapeaux - ne sont pas ramassés. Les Archives ne récupèrent que les documents papier, souvent les plus émouvants. "Il faut se forcer à ne pas trop regarder, à ne pas lire. Il y a des mots de parents, d'amis, on ne peut pas rester indifférent. Si on veut pouvoir travailler, il faut se mettre une barrière", confie Emilie Legrand. "Ca change des documents qu'on traite habituellement. Ceux-là n'étaient pas forcément destinés à être des archives, ce sont des réactions anonymes, intimes, spontanées", souligne Audrey Ceselli, une autre employée des Archives.Lors des attentats de janvier contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher, des collectifs comme "17 Plus jamais" s'étaient lancés dans le recensement des innombrables témoignages de soutien. Après le 13 novembre, la Mairie de Paris a lancé un projet de fonds documentaire, à destination du grand public et des chercheurs qui commencent à s'intéresser à ce gigantesque élan de solidarité. Il comprendra des milliers de messages déposés sur les lieux des attaques - qui sont ensuite traités, inventoriés, numérisés - et dans les registres de condoléances installés dans les mairies d'arrondissement, ainsi que des photos, notamment de street art.
Un travail de collecte jusqu'au retrait définitif des sites d'hommage
Ce travail de collecte et d'archivage sera mené progressivement "durant quelques mois, jusqu'au retrait définitif des sites d'hommage", explique Guillaume Nahon. Devant le café "A la Bonne Bière", le premier qui a fait l'objet d'une collecte des Archives avant sa réouverture vendredi 4 décembre, Valérie approuve la démarche: "C'est bien de nettoyer un peu. Ca permet d'avancer, tout en gardant une trace quelque part".Car la mémoire omniprésente devient pesante pour cette commerçante installée en face du bar. "Avec toutes ces fleurs, ça fait un peu cimetière. Il faudra les enlever. Je dis ça et pourtant je suis fleuriste, j'aime les fleurs", sourit-elle. "Mais il faudra quand même un endroit pour se recueillir, les gens en auront besoin".
Parallèlement au travail des Archives, la Mairie de Paris réfléchit à la création d'un lieu de mémoire, situé place de la République, pour les victimes des attentats de janvier et novembre.
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