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"Le jour le plus long" vérité historique ou vérité cinématographique ?

Dans la Manche, le village de Sainte-Mère-Eglise est célèbre pour avoir été l'une des premières communes libérées le 6 juin 1944. Depuis le tournage du film, "Le jour le plus long", la ville vit du tourisme historique. Mais l'un des épisodes les plus connus, le parachutiste américain resté accroché à l'église, pose la question de la vérité historique et de la vérité cinématographique.
Article rédigé par franceinfo
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Commémoration du 70e anniversaire du débarquement en juin 2014
 (EPA/MAXPPP)

De Ouistreham à la Pointe du Hoc, toute la côte normande est marquée par le débarquement de juin 1944. Le tourisme local tire grand profit de cet épisode historique, tournant de la Seconde Guerre Mondiale. Les sites emblématiques comme Omaha Beach, Arromanches ou Colleville-sur-Mer et son cimetière sont devenus les incontournables de toute visite dans la région. Le village de Sainte-Mère Eglise est passée dans l'Histoire comme l'une des premières communes françaises à avoir été libérées de l'occupant allemand par les parachutistes en grande partie américains. Sur une durée totale de trois heures, le film "Le jour le plus long" accorde onze minutes à cet épisode. Il est centré sur la mésaventure vécue par le soldat John Steele (interprété par Red Buttons dans le film) qui resta suspendu toute la nuit à son parachute, lui-même accroché au clocher de l'église.

Selon le film, Steele assista du haut de son clocher au massacre de ses camarades des troupes héliportées par les soldats hitlériens qui les mitraillaient depuis la place devant l'église. Or, selon les historiens (ceux en tout cas qui ne doutent pas de cet épisode controversé), si le parachustiste a réellement passé plusieurs heures à faire le mort au dessus des Allemands, il n'a pas pu voir ses compagnons se faire mitrailler : il aurait en effet été suspendu du côté de l'église qu'on ne voit pas depuis la place. Ce qui lui a d'ailleurs peut-être sauvé la vie. La vérité cinématographique aurait-elle donc prévalu à Sainte-Mère sur la vérité historique ? C'est ce qu'il semble. Et l'ancien maire aurait considéré que pour les photos des touristes, il valait mieux que le mannequin-parachutiste pende au bout de ses suspentes du côté dégagé de l'église, soit comme le présente le film. La version cinématographique prend alors le pas sur la réalité.

Reportage : L. Hakim / R. Motte /  M. Gualandi /  A. Cohen

La vérité et la réalité

"Le jour le plus long" est sorti en 1962, cette épopée du débarquement du 6 juin 1944 affiche toutes les qualités mais aussi tous les défauts du cinéma hollywoodien. Terminée un peu plus de quinze ans plus tôt, la guerre hante encore dans toutes les mémoires et le moment n'est pas encore venu des questionnements. L'Histoire est encore façonnée par les vainqueurs et le cinéma est un propagateur efficace d'une vérité officielle destinée à panser les plaies. Il faudra attendre encore une petite dizaine d'années pour que des films grand public comme "L'armée des ombres", de Jean-Pierre Melville en 1969, commencent à regarder de l'autre côté du rideau. 
Le traitement de l'Histoire par le cinéma et par les offices de tourisme reste donc souvent sujet à caution. Reste le travail des historiens, lui aussi en constante remise en question. En 1998, "Il faut sauver le soldat Ryan" a donné sa version du débarquement de juin 1944. peut-être plus réaliste encore que l'oeuvre de 1962. Mais au cinéma, il ne faut jamais oublier qu'un film nous parle autant de son temps que de l'époque qu'il est censé évoquer.

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