La France envisage de prêter la Tapisserie de Bayeux au Royaume-Uni
"Ce prêt est envisagé car il y aura des travaux de restauration du musée de Bayeux pendant quelques mois", a précisé l'entourage du président de la République devant la presse. Mais "ce ne sera pas avant 2020 car c'est un objet patrimonial extrêmement fragile qui fera l'objet de travaux de restauration très importants avant quelque transport que ce soit".
Theresa May a estimé qu'il "est très significatif que la tapisserie vienne au Royaume-Uni et que les gens puissent la voir", devant les députés britanniques, lors de la séance hebdomadaire de questions au gouvernement. "Nous ferons en sorte que le maximum de gens puissent la voir", a-t-elle ajouté.
Reportage : France 3 Normandie
Oeuvre d'art et document historique
Oeuvre de 70 mètres de long sur 50 centimètres de haut, la Tapisserie de Bayeux est tout à la fois une oeuvre d'art et un document historique, symbole des liens entre l'Angleterre et le continent. Elle décrit le voyage d'Harold en Normandie et son retour en Angleterre et son couronnement après la mort du roi Edouard le Confesseur au XIe siècle (1066).Elle montre aussi la préparation de l'expédition organisée par Guillaume, la traversée de la Manche et la bataille d'Hastings (1066). Il s'agit d'une broderie réalisée sur une toile de lin mesurant 68,38 m, qui est constituée de neuf panneaux d'une largeur de 50 cm et de longueurs inégales (de 13,90 m à 2,43 m), selon les informations du musée de Bayeux. Elle a été confectionnée avec des fils de laine de dix couleurs différentes. La Tapisserie de Bayeux est inscrite au registre Mémoire du Monde par l'UNESCO.
Un chef-d’œuvre fragile et difficile à déplacer
Si la Tapisserie de Bayeux a déjà voyagé, son transport nécessitera d'importantes précautions, selon des spécialistes."J'ai cru à un canular", confesse Pierre Bouet, coauteur d'un ouvrage sur les mystères de cette broderie du Moyen Age. Et quand on interroge cet historien médiéviste sur le possible transfert de ce joyau de l'histoire franco-anglaise, cet expert ne cache pas ses réticences : "Si on me demande mon avis, malgré toute l'affection que je porte à mes amis anglais avec qui je travaille depuis longtemps, je dirai non".
"Des expertises conduites il y a deux ou trois ans, poursuit-il, ont montré que la tapisserie est en bon état, mais qu'elle reste fragile. Il y a quelque 400 ou 500 endroits où la toile de lin a été rapiécée". Selon une étude de la Direction régionale des affaires culturelles (Drac), conduite il y a quelques mois, "la toile de lin est oxydée et présente des trous, usures, déchirures, rapiéçages qui provoquent parfois des tensions".
Si on sait peu de choses sur le sort de la tapisserie entre son tissage probablement dans le Kent (sud-est de l'Angleterre) et sa première mention dans un inventaire en 1476, elle a déjà voyagé au fil des siècles : "Napoléon l'a fait venir à Paris en 1804 pour mobiliser l'opinion publique à la conquête de l'Angleterre", et elle a également été transportée au Louvre en juin 1944, sur ordre de Hitler qui voulait "l'emporter à Berlin", dit Pierre Bouet.
Reportage : France 3 Normandie
La ville de Bayeux sur ses gardes
La ville de Bayeux est également très prudente et pose des conditions pour un éventuel prêt à une institution britannique pendant les travaux du musée local.Une intervention de restauration est à l'étude en vue d'aboutir à la "stabilisation" de l'oeuvre, c'est-à-dire l'arrêt des processus de dégradation. "C'est cette stabilisation qui, seule, permettrait de décider d'un prêt à l'issue de l'intervention", souligne la ville dans un communiqué.
En tout état de cause, poursuit-elle, ce chef-d’œuvre iconographique relatant l'invasion de l'Angleterre par le duc de Normandie Guillaume le Conquérant ne franchirait pas le Channel "avant l'horizon 2023, soit durant la dernière phase de travaux" de réfection du Musée.
La tapisserie de Bayeux est actuellement présentée dans un conteneur hermétique vitré "qui la protège des incendies et de l'humidité" et elle devra être exposée dans les mêmes conditions en Grande-Bretagne, ce sera extrêmement couteux", note encore le médiéviste Pierre Bouet avant d'ajouter : "j'ai dit non (au transfert, ndlr) et j'ai déjà envie de dire oui".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.