L'ouverture d'un "Musée de l'histoire des Juifs de Pologne" est un événement
"Ce sera une nouvelle donne pour les rapports entre Polonais et Juifs", a déclaré le rabbin. "Ces relations n'étaient pas mauvaises, mais elles deviendront meilleures". Sans attendre son inauguration officielle par les présidents Bronislaw Komorowski et Reuven Rivlin, le musée a déjà attiré plus de 400.000 visiteurs venus assister à différents événements depuis l'ouverture de ses portes en avril.
Certes, le bâtiment lui-même mérite le détour par son audace architecturale. Dessiné par les Finlandais Rainer Mahlamaeki et Ilmar Lahdelma, construit sur le terrain de l'ancien ghetto, sa façade en verre est coupée par une grande brèche évoquant le passage de la mer Rouge par les Juifs.
"Polin"
Appelé également "Polin" ("Pologne" et en même temps "Repose-toi ici" en hébreu) ce musée est "narratif", selon la directrice des programmes, Barbara Kirshenblatt-Gimblett. Autrement dit, sans exposer des objets anciens, il cherche surtout à raconter le passé grâce à des installations multimédia et des scènes de vie ou des paysages urbains reconstitués. Y compris, bien entendu, l'horreur de l'Holocauste perpétré par les nazis allemands sur le territoire de la Pologne, mais sans en faire l'unique fil conducteur. Y compris l'antisémitisme, une réalité indéniable de la vie des Juifs dans toute l'Europe, la Pologne comprise.
Mais en même temps, l'exposition révèle la richesse de la vie juive en Pologne, très souvent méconnue. Chassés de plusieurs pays occidentaux, les Juifs ont afflué dans le Royaume de Pologne et de Lituanie et, au milieu du XVIIIe siècle, ils étaient 750.000 à y vivre. A la veille de la IIe guerre mondiale, un citoyen polonais sur dix était juif, soit 3,3 millions de personnes. Ils n'étaient plus que 200.000 à 300.000 en 1945. Beaucoup ont émigré depuis et la communauté juive de Pologne, active et dynamique, compte aujourd'hui environ 7.000 membres actifs, alors que les Polonais d'origine juive sont à peine quelques dizaines de milliers. La création du musée a coïncidé avec un mouvement inattendu de "coming-out" de la troisième génération de descendants des Juifs ayant survécu à l'extermination.
"Découvrir leurs origines"
Une pièce de théâtre intitulée "The Hideout" ("Cachette"), mise en scène par un jeune homme de théâtre, Pawel Passini, et dont la première a eu lieu samedi à Varsovie, est composée de brèves histoires de gens ayant passé deux années cachés pendant l'occupation nazie dans un placard ou sous un plancher.
"Ils ne sont jamais sortis de ce placard", dit un des personnages. On comprend que les fugitifs, traumatisés à vie, n'ont jamais parlé de leur expérience à leurs enfants ou à leurs petits-enfants. Les Polonais qui les avaient cachés, dont la grande actrice Irena Solska, non plus. Et des jeunes gens, aujourd'hui âgés d'une trentaine d'années, ont commencé à découvrir leurs origines seulement tout récemment. Parfois par hasard, comme ce supporter de foot violent et raciste, qui, découvrant que sa petite amie est d'origine juive, la rejette. Puis ses parents, en l'apprenant, lui révèlent qu'ils sont juifs eux aussi...
Un événement
Le musée de Varsovie, même s'il suscite quelques controverses - le degré d'antisémitisme montré est-il conforme à la réalité ? le rôle des communistes juifs à l'époque stalinienne est-il suffisamment évoqué ? - reflète une évolution importante dans les rapports des deux communautés.
Symboliquement, son exposition permanente a été financée par des donateurs privés, Juifs de la diaspora et Polonais, qui ont réuni 33 millions d'euros. Mais le bâtiment a été construit et payé par la ville de Varsovie et le ministère polonais de la Culture qui ont déboursé 42,5 millions d'euros.
"Il y a de l'antisémitisme ici, comme il y en a malheureusement partout", dit le rabbin Schudrich. "Mais son niveau est plus bas en Pologne que dans des pays tels que la France, l'Autriche ou la Hongrie, grâce à l'enseignement du pape Jean Paul II. Et le musée contribuera certainement à le réduire encore".
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