L'historial Jeanne d'Arc à Rouen ouvert au public samedi
Le lieu, qui sera inauguré vendredi, a été construit après d'importants travaux, derrière la cathédrale de Rouen, au sein de l'archevêché où subsistent des vestiges de la salle du tribunal ecclésiastique qui condamna Jeanne d'Arc à être brûlée pour hérésie en 1431 puis la réhabilita vingt-cinq ans plus tard.
Reportage : David Frotté- Jérôme Begue - Stéphanie Pierson
"Alors que le monde entier associe Jeanne à Rouen, il a pourtant fallu attendre 1928 pour que soit créé en son hommage un monument urbain - d'ailleurs modeste - sur la place du Vieux-Marché, après des décennies de polémiques", a écrit dans le bulletin diocésain Laurent Fabius, ancien président de l'agglomération rouennaise et initiateur de l'Historial. A la fin des années 70, il y a bien eu l'édification de l'église Sainte-Jeanne d'Arc dont l'architecture audacieuse restructure la place du Vieux marché, après le déménagement des halles. Mais c'était avant tout une opération de rénovation urbaine et non la création d'un lieu entièrement dédié à l'héroïne.
L'Historial, ce sont 1.000 m2 de salles médiévales, cryptes, anciennes cuisines et autres combles, dans lesquelles le visiteur se voit proposer un parcours scénographique sur cinq niveaux, conçu par l'agence parisienne Farrell.
S'appuyant sur les conseils d'un comité scientifique regroupant la plupart des spécialistes de "Johanne", le lieu fait "parler" les murs à l'aide d'images en 3D d'une vingtaine d'acteurs jouant des témoins du procès posthume pour sa réhabilitation.
"Nous n'inventons rien, les sources sont les minutes du procès de réhabilitation", assure la scénographe Clémence Farrell. Récupérations multiples
Après le parcours multimédia, le visiteur est dirigé vers la "mythothèque" où il peut se renseigner à sa guise sur l'abondante historiographie consacrée à la Pucelle, au moyen de bornes de consultation.
Sur l'importance de Jeanne d'Arc dans le roman national français, il y a beaucoup à apprendre, surtout à partir du XIXe siècle où l'icône revient au premier plan, grâce notamment à l'historien républicain et libre-penseur Jules Michelet (1798-1874). Les plus grands écrivains polémiquent entre eux à son sujet, alors que les partis
politiques veulent la récupérer.
Elle est revendiquée à la fois par la droite en tant que fervente catholique et monarchiste et par la gauche républicaine qui la considère comme une fille du peuple trahie par le roi et brûlée par l'Eglise. Puis ce sera au tour de l'extrême droite de s'en emparer, dans les années 30, jusqu'au Front national, de 1988 à aujourd'hui. On se sert d'elle pour remonter le moral des troupes pendant la guerre de 14-18. En 1920, année de la canonisation par le pape Benoît XV - après une procédure qui dura une cinquantaine d'années -la République française décide aussi de l'honorer, les députés votant le principe d'une fête Jeanne d'Arc.
L'Historial entend fournir aux 100 à 150.000 visiteurs attendus par an les clés pour se forger une opinion.
"En permettant à chacun de réfléchir sur notre histoire et la façon dont elle s'écrit, il s'agit aussi de faire échapper Jeanne à toute tentative de confiscation politique, dont les exemples récents caricaturent les luttes du passé", écrit encore le ministre des Affaires étrangères et du tourisme, Laurent Fabius. Au-delà du débat franco-français, la Pucelle passionne les touristes étrangers.
"Beaucoup de pays ont leur héroïne libératrice qu'ils comparent à Jeanne d'Arc, parmi lesquels la Serbie, la Grèce, l'Inde, la Corée du Sud ou encore la Chine avec Hua Mulan", rappelle Olivier Bouzy, directeur du centre d'études Jeanne d'Arc d'Orléans et membre du comité scientifique de l'Historial.
Historial Jeanne d'Arc
7 rue Saint Romain, 76 000 Rouen
Tél : 02 35 52 48 00
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