L'art surgi du froid et de la nuit des temps au British Museum
C’est un petit objet pas plus gros qu’un pouce : la plus ancienne représentation connue de tête de femme, taillée dans de l’ivoire de mammouth, trouvé à Dolni Vestonice en Moravie. Certains y ont vu un portrait individualisé, avec son long visage, son nez effilé, ses yeux et ses lèvres bien distincts. Une tête, âgée d’environ 26.000 ans, qui évoque une œuvre de… Modigliani.
Le British Museum a réuni dans cette exposition quelque 250 pièces de l’âge de Glace (entre 40 000 et - 10 000 ans), venues de tout le Vieux continent, de l’Atlantique à la Sibérie, avec un détour par la Dordogne, région connue pour ses trésors préhistoriques. Un continent qui a, semble-t-il, connu les premières représentations figuratives de l’Histoire. L’exposition est d’autant plus intéressante que les musées propriétaires des chefs d’œuvre présentés prêtent rarement ces fort rares trésors en pierre, os, ivoire et même en terre cuite.
Les artistes de cette époque représentaient leur environnement. A commencer par les animaux qu’ils côtoyaient et chassaient, comme le montrent les bestiaires peints sur les murs des grottes de Lascaux, Chauvet (France) ou Altamira (Espagne). Le réalisme des objets exposés à Londres est surprenant. Exemple particulièrement frappant : la représentation de deux rennes, gravés dans une défense de mammouth (-13 000 environ), en train de nager. Tête en avant, ils avancent l’un derrière l’autre, les muscles tendus par l’effort. L’objet a été découvert dans l’abri de Montastruc (Tarn-et-Garonne).
Abstraction
A côté des animaux, on trouve donc aussi des représentations d’humains, femmes et hommes, Telle cette surprenante «Vénus de Lespugue», là encore en ivoire de mammouth, vieille de 23 000 ans. Haute de 147 mm, elle a été découverte en 1922 à Lespugue (Haute-Garonne). Les formes de la dame sont étonnement rebondies. Et finalement très modernes. Picasso était d’ailleurs "tellement fasciné par cette pièce ‘cubiste’ qu’il en possédait deux copie", rappelle le dossier de presse de l’exposition. Tout aussi extraordinaire est cette autre "Vénus", venue elle aussi de Dolni Vestonice, qui montre une femme mature, aux contours éminemment géométriques. Il s’agit de la plus ancienne céramique connue à ce jour.
Ces deux pièces sont une preuve parmi d’autres qu’au-delà de la réalité anatomique, ces artistes du froid savaient déjà traduire l’abstraction. Dans quel but ? Il est évidemment difficile de répondre à une question sur laquelle travaillent de nombreux scientifiques. Certains mettent en avant une signification symbolique : il pourrait ainsi s’agir d’une symbolisation de la fertilité, voire de la sexualité. On explique parfois aussi que de tels objets pouvaient être utilisés pour des rites chamaniques.
Mais au-delà des hypothèses scientifiques, l’exposition permet d’admirer, comme le dit fort justement Le Monde, "des créations d'hommes ou de femmes (…) qui s'appliquaient à dégager de la matière des formes intelligibles". Lesquelles ont su conserver, des dizaines de milliers d’années plus tard, tout leur pouvoir de fascination.
"Ice Age art, arrival of modern mind" (L'art de l'âge de Glace ou l'émergence de l'esprit moderne)
British Museum, Great Russell St, Londres. Du 7 février au 26 mai 2013. Ouvert tous les jours de 10.00–17.00, le vendredi jusqu'à 20h30.
Entrée: £ 10 (€ 11,55).
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