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Notre-Dame : le débat sur la reconstruction de la flèche inspire les architectes... et les internautes

Si l'on reconstruit la flèche de Notre-Dame, détruite lors de l'incendie du 15 avril, faudra-t-il la reconstruire à l'identique ou faire preuve d'innovation par rapport à l'ouvrage réalisé par Viollet-Le-Duc au 19e siècle ? Le débat, qui enflamme les esprits, a déjà engendré des pétitions en ligne.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
La cathédrale Notre-Dame de Paris après l'effondrement de sa flèche en proie aux flammes, le 15 avril 2019 (BENJAMIN FILARSKI / HANS LUCAS / AFP)

Depuis qu'un concours d'architectes a été annoncé, sur les réseaux sociaux, humour et provocation s'en donnent à cœur joie dans la surenchère ces derniers jours...

Des montages photos montrent ainsi Notre-Dame surmontée d'un pommeau de douche, d'un rayon vert, d'un château de conte de fée style Disneyland, d'un croissant musulman, d'une bouteille de champagne ou d'une nouvelle pyramide...

Certains de ces montages font malicieusement allusion aux mécènes qui, suggèrent-ils, aimeraient valoriser ainsi leurs dons en exhibant les produits qu'ils vendent...

Un déferlement en réaction à un exécutif encore hésitant

Ce déferlement fantaisiste répond à l'imprécision de l'exécutif : le Premier ministre Edouard Philippe a estimé que ce concours "permettrait de trancher la question de savoir s'il faut reconstruire une flèche, s'il faut reconstruire la flèche à l'identique, ou s'il faut doter la cathédrale d'une nouvelle flèche adapté aux techniques et aux enjeux de notre époque".

Et le président Emmanuel Macron d'évoquer "un geste architectural contemporain".

Un tel "geste" qui vise le monument le plus visité de Paris a de quoi faire rêver les architectes : celui dont le projet serait retenu se verrait accorder un juteux contrat mais surtout un nom à jamais, à l'égal d'un Ieoh Ming Pei avec la Pyramide du Louvre ou d'un Renzo Piano avec le Centre Pompidou.

Peu d'architectes sont encore sortis du bois. Jean-Michel Wilmotte, qui a construit l'église orthodoxe russe à Paris, verrait bien la prochaine flèche en verre, en écho visuel à la Pyramide.

De quoi faire rêver les architectes

Certains projets apparus sur internet ne se contentent pas de la flèche mais exposent leur vision de toute la toiture.

Ainsi le cabinet Godart + Roussel de Dijon a proposé d'aménager une toiture de vitres et tuiles de cuivre. Un plancher vitré s'ouvrirait sur l'intérieur de l'église. Les touristes pourraient déambuler avec vue imprenable sur le vieux Paris. Sur internet, on trouve aussi un projet anonyme montrant un toit entièrement végétalisé avec un circuit pour les promeneurs.

Si la conception spirituelle initiale du bâtiment - la flèche figurant le doigt de la Vierge Marie pointée vers le ciel - sera sans doute méconnue, des projets totalement en rupture avec la vocation et le style gothique de la cathédrale n'ont guère de chance d'être retenus.

Cependant, certains croient possible de faire preuve d'imagination en respectant l'identité d'une cathédrale qui n'est pas un musée : "On peut respecter l'esprit mais être imaginatif. Viollet-le-duc avait fait œuvre d'invention", a souligné à l'AFP l'ancien ministre de la Culture Jack Lang.

Stéphane Bern, partisan d'une reconstruction "à l'identique", appelle à "un peu d'humilité"

L'animateur Stéphane Bern, qui défend le patrimoine ancien, a repris en revanche les propos du tête de liste des Républicains aux élections européennes, François-Xavier Bellamy, appelant à "un peu d"humilité" devant un édifice dont les bâtisseurs étaient restés anonymes.

Partisan de "refaire Notre-Dame à l'identique", Stéphane Bern a fustigé samedi sur France Info "les délires de certains architectes, qui sont tapis sans l'ombre".

"Des starchitectes" attirés par la gloire : ainsi les définit leurs deux collègues Denis Valode et Jean Pistre, qui s'insurgent contre ce concours et appellent dans le Journal du Dimanche à son abandon.

Une solution raisonnable consisterait pour certains dans une limitation du concours aux architectes du patrimoine, meilleurs experts en matière de restauration.

Un concours annoncé peut-être trop vite

Une des critiques contre l'exécutif est d'avoir annoncé trop vite ce concours, avant même que l'on ait une idée exacte de la stabilisation à entreprendre. Pour beaucoup, le concours d'architectes devra se faire plus tard et à tête reposée.

Audrey Azoulay, directrice générale de l'Unesco, estime que la "doctrine" qui préside à la restauration d'un monument "n'est pas figée". "Les principes (de la rencontre) de Varsovie (organisée par l'Unesco en mai) encouragent chaque génération à participer à ce travail d'édification", a-t-elle dit.

Tout en reconnaissant toutefois que la charte de l'Unesco demandait que l'on restaure selon le dernier état "complet, cohérent et connu" du monument détruit.

Des pétitions pour une "restauration à l'identique"

Entre-temps, plusieurs pétitions pour la "restauration à l'identique de Notre-Dame de Paris" circulent déjà, dont l'une sur la plateforme de droite identitaire Citizen Go qui a recueilli près de 50.000 signatures lundi.

D'autres pétitions sont apparues sur la célèbre plateforme change.org, dont l'une a atteint les 5000 signatures "pour la reconstruction à l'identique de la flèche de Notre-Dame !".

Elles sont adressées soit "au président de la République", soit à "l'État français" : "des centaines de milliers de personnes ont fait des dons pour récupérer ce patrimoine perdu et non pour nourrir le délire d'un grand cabinet d'architecture", remarque l'une d'elles.

"Nous souhaitons vous rappeler que la cathédrale Notre-Dame de Paris est un lieu de culte. Ce n'est pas un musée où des architectes pourraient laisser libre cours à leur imagination", affirme pour sa part la pétition de Citizen Go adressée au Premier ministre Edouard Philippe.

La flèche de Notre-Dame, qui culminait à 93 mètres, était faite de 500 tonnes de chêne et de 250 tonnes de plomb. Elle a été conçue parViollet-le-Duc dès 1852 et bâtie dans les années 1860 par le charpentier Bellu.


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