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Les travaux de décontamination du plomb à Notre-Dame ont commencé, on répond à trois questions sur ce chantier en plein Paris

Les opérations ont commencé ce mardi autour de la cathédrale Notre-Dame de Paris, afin de dépolluer ces lieux du plomb qui y a pénétré en raison de l'incendie de l'édifice, le 15 avril dernier.

Article rédigé par Valentine Pasquesoone
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
La cathédrale Notre-Dame de Paris, le 9 juillet 2019, près de trois mois après l'incendie qui a ravagé sa flèche et sa toiture.  (BERTRAND GUAY / AFP)

L'opération devrait durer dix jours. A Paris, les travaux de décontamination des sols pollués au plomb autour de la cathédrale Notre-Dame ont débuté, mardi 13 août, près de quatre mois après le grave incendie qui a ravagé la flèche et la toiture de l'édifice. Les flammes ont entraîné la fonte et la libération, sous forme de particules, de plus de 400 tonnes de plomb présentes dans les parties détruites de la cathédrale. 

La préfecture de police de Paris a, dès lundi, mis en place des barrières afin de délimiter la zone concernée par cette opération de dépollution autour du bâtiment. La circulation des piétons et des véhicules est interdite sur plusieurs voies et certaines sorties de la station de RER Saint-Michel Notre-Dame sont également fermées.

Le chantier de reconstruction de l'édifice, suspendu le 25 juillet sur décision du préfet Michel Cadot, devrait redémarrer le 19 août, après l'instauration de nouvelles mesures visant en particulier à protéger les employés du chantier face à cette exposition au plomb.

Comment décontaminer la zone imprégnée de particules de plomb ?

Selon l'AFP, l'opération de décontamination des sols au plomb débutera rue de la Cité, voie qui traverse l'île de la Cité. Les sols principaux de la zone visée par l'opération seront décontaminés à l'aide d'une solution dite d'ultra-haute pression. Comme l'explique LCI, ces appareils vont envoyer de l'eau et du détergent tensioactif pour nettoyer les surfaces entourant la cathédrale, afin de tenter d'y retirer les poussières de plomb qui y ont pénétré. Le parvis de Notre-Dame, ainsi que les rues proches de la cathédrale, telles que la rue de la Cité et une partie de la rue d'Arcole, sont concernés. Le caractère tensioactif du détergent doit permettre une meilleure saisie des particules de plomb. Ce produit sera ensuite aspiré, puis récupéré.

Une autre méthode sera utilisée pour traiter des bancs, ou encore des lampadaires proches de l'édifice, poursuit LCI. Une couche de gel absorbant y sera appliquée, opération qui doit durer environ un jour. Cette couche séchera ensuite pendant trois jours, puis son retrait s'effectuera pendant au moins cinq jours. Un contrôle de l'efficacité de ces méthodes doit être réalisé à l'issue de cette opération de décontamination, autour du 23 août.

Des travaux ont également débuté en fin de semaine dernière pour plusieurs écoles proches de la cathédrale qui témoignent de taux de plomb importants dans leurs cours de récréation après l'incendie de Notre-Dame, relate Le Monde. Au sein des écoles maternelle et élémentaire de Saint-Benoît, situées dans le 6e arrondissement de la capitale, les sols de la cour de récréation sont refaits, détaille le journal. Un produit de couleur bleue est versé sur les surfaces concernées, permettant "de piéger et de coller les poussières de plomb", explique Mickael Prestavoine, chef de chantier, au Le Monde. Le revêtement sera ensuite retiré et remplacé. 

Une opération de décontamination au plomb dans la cour de récréation de l'école Saint-Benoît, près de la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 8 août 2019 dans le 6e arrondissement de Paris.  (MARTIN BUREAU / AFP)

Ces méthodes sont-elles vraiment efficaces ? 

Comme l'a rappelé le maire du 4e arrondissement de Paris, Ariel Weil, mardi sur franceinfo, plusieurs tentatives de décontamination du parvis de Notre-Dame "n'ont pas été couronnées de succès". "Un certain nombre de méthodes n'ont pas porté leurs fruits", mais "aujourd'hui, tout le monde est à peu près convaincu d'avoir trouvé la méthode pour venir à bout des concentrations de plomb, qui sont parfois très très fortes devant le parvis", assure l'élu parisien. "Ce sont des méthodes que nous utilisons quand nous avons des décontaminations au plomb à réaliser", explique auprès de franceinfo Michel Galzin, directeur qualité, hygiène, sécurité et environnement au sein de DI Environnement, une société spécialisée dans le déplombage. "Pour cette situation, ce sont les techniques les plus efficaces que nous aurions mis en œuvre."

Concernant la technique du nettoyage à ultra-haute pression, "le principal est de gérer l'eau issue du nettoyage", poursuit Michel Galzin. "Cela génère une quantité d'eau importante, cette méthode est donc efficace dès que l'eau est récupérée et mise en décantation", détaille-t-il. Le directeur vante aussi le rôle d'un détergent tensioactif pour ce genre d'opérations.

Il permet d'encapsuler plus facilement des particules de plomb, de les bloquer à un endroit précis. Il pénètre également plus facilement à l'intérieur des sols. Cela va en quelque sorte permettre d'emprisonner les particules pour les récupérer ensuite.

Michel Galzin

à franceinfo

Si les techniques employées permettent, selon ce professionnel, de "retirer un maximum d'éléments", une dépollution complète semble compromise. "Il sera très difficile d'arriver à 100% de décontamination, estime Michel Bazin. Le plomb migre et a tendance à pénétrer dans les surfaces. C'est très compliqué." Invité de franceinfo mardi, Jacky Bonnemains, porte-parole de l'association de défense de l'environnement Robin des bois, estime qu'"on ne peut pas préjuger du succès ou de l'insuccès de l'opération""Le gel est supposé avoir agrégé les poussières de plomb. (...) C'est une première à cette échelle en France, elle est réputée sur les surfaces lisses, ce qui n'est pas le cas du parvis qui est recouvert de pavés", prévient-il. 

Pourquoi a-t-il fallu attendre si longtemps ?

Fin juillet, l'association Robin des Bois a porté plainte contre X pour "mise en danger d'autrui", dans le cadre de cet épisode de pollution au plomb issue de l'incendie de Notre-Dame. "Pendant quinze jours après l'incendie, ces 500 tonnes de plomb parties en fumée ont été soigneusement mises sous le tapis au profit des appels de fonds et de l'urgence à reconstruire la cathédrale", dénonce Jacky Bonnemains. Le porte-parole critique le fait que ces travaux de décontamination interviennent quatre mois après l'incendie, et ce malgré plusieurs alertes.

Selon Mediapart, l'inspection du travail a, dès le 9 mai, alerté le ministère de la Culture sur de potentiels risques, pour les employés du chantier de reconstruction, d'intoxication au plomb. Un rapport des inspecteurs du travail, datant du 15 mai et consulté par le site, dévoile qu'"à l'extérieur de la cathédrale et à l'intérieur de la zone de chantier, six prélèvements sont au-dessus du seuil réglementaire (de concentration en plomb), dont un jusqu'à 421 fois le seuil réglementaire". Le document fait état de "quatre prélèvements" à l'extérieur de la cathédrale et en dehors de la zone de chantier, "dont un jusqu'à 883 fois le seuil réglementaire". Dans cette deuxième alerte citée par Mediapart, l'inspection du travail dénonce aussi l'efficacité très limitée des mesures de décontamination mises en place sur le chantier.

La douche de l'unité de décontamination ne fonctionne pas. (...) Les trois unités de décontamination, installées sur le parvis, au milieu de la zone polluée, ne permettent pas une décontamination effective des salariés. (...) Les matériaux évacués de la cathédrale ne font l'objet d'aucune décontamination (...)

L'inspection du travail

dans un rapport publié par "Mediapart"

D'après les informations de Mediapart, le ministère de la Culture a été alerté au moins neuf fois sur ces faits de pollution au plomb et leurs dangers potentiels pour la santé. De son côté, l'Agence régionale de santé (ARS) a publié une cartographie de prélèvements effectués autour de la cathédrale. Celle-ci montre des taux de concentration de plomb à cinq, voire six chiffres sur le parvis de Notre-Dame, mais aussi des taux élevés sur certaines parties des quais à proximité de l'édifice et au sein de plusieurs écoles. Dans les établissements de Saint-Benoît, par exemple, des taux supérieurs à 1 000 μg/m2 ont été mesurés.

Un autre rapport de l'inspection du travail, rendu le 22 juillet, rappelle que "les installations de décontamination sont sous-dimensionnées" autour de Notre-Dame. Le préfet Michel Cadot a alors décidé de suspendre les travaux de reconstruction de l'édifice, dans l'attente de mesures de protection plus efficaces. Contacté par Mediapart, le ministère de la Culture se défend, assurant que "les installations de décontamination n'étaient pas défectueuses", mais qu'"il s'agissait d'installations transitoires utiles dans le temps qui précède l'installation définitive". 

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