Pour ou contre le "roman national" : un débat d'historiens... et de politiques
Pourquoi a-t-il fallu attendre le IIIe Empire pour découvrir en Vercingétorix ce résistant qui a unifié les tribus gauloises contre l'occupant romain ? Jeanne d'Arc fut-elle vraiment cette bergère faiseuse de roi et elle aussi fer de lance contre l'envahisseur, venu cette fois d'Angleterre ? Et quid de sa sainteté ? Est-il juste de représenter la France de la première moitié des années 40 comme un peuple debout, composé essentiellement de résistants et d'opposants à la Collaboration ?
Les déclarations successives des responsables politiques ou des candidats aux plus hautes fonctions sur certains épisodes de l'Histoire de France, et surtout les réactions qu'elles provoquent, raniment régulièrement les clivages idéologiques. Non, être de droite ou de gauche ne consiste pas seulement à s'opposer sur des dossiers économiques. Et l'épisode récent de la déclaration d'Emmanuel Macron à propos de la colonisation "crime contre l'humanité" nous rappelle que l'Histoire reste au coeur de l'idéologie. Certains trouvent intérêt à cultiver une vision hagiographique des évènements qui ont conduit à faire de la France ce qu'elle est aujourd'hui, y puisant des symboles propres à soutenir leur combat contemporain. D'autres, et symptômatiquement les universitaires et les chercheurs en Histoire, soutiennent que leur corpus est malléable et que la vision que l'on se fait des épisodes historiques peut varier au fil des recherches et des découvertes. Les premiers n'acceptent pas la discussion scientifique autour de l'Histoire, les seconds fondent leur démarche sur la primauté de la vérité, fût-elle changeante.
Reportage : J. Wittenberg / M. Rénier / J-P. Bosch / J. Cohen-Oliviéri
Les héros face aux acteurs de l'Histoire
Le "roman national" réclame, comme tout roman, des héros et des épisodes forts. Mais comme tout roman, il comporte aussi sa part d'imaginaire. C'est sans doute pourquoi certains de ses défenseurs, afin d'en gommer cette vision subjective, préfèrent le déguiser en "récit national". Alors doit-on, au nom d'une cohésion nationale reposant sur une idéologie de l'identité, enseigner une histoire officielle avec ses aspects fictionnels ? Ou préférons-nous en accepter une approche scientifique et dépassionnée, assumant les erreurs, les fautes et les échecs autant que les triomphes, les réussites et les grandeurs ? Doit -on considérer les personnages historiques comme les héros d'un roman ou comme les acteurs d'une réalité contrastée ?On n'est pas loin du débat qui oppose, et notamment aux Etats-Unis, les tenants de l'évolution et ceux du créationnisme. Sinon que l'enjeu n'est pas tant ici religieux que politique.
Pour comprendre ces enjeux posés par l'enseignement de l'Histoire, un collectif de 122 historiens sous la direction de Patrick Boucheron, professeur au collège de France, vient de faire paraître au Seuil un passionnant ouvrage de 800 pages intitulé "Histoire mondiale de la France".
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