Loi Elan : le patrimoine historique de Perpignan en danger ?
Mardi 12 juin, l'Assemblée Nationale a voté la loi Elan (loi pour l'évolution du logement et pour l'aménagement du numérique). Il ne reste plus qu'à obtenir l'accord du Sénat pour que la loi soit enterinée. Un vote qui n'est pas gagné d'avance : sous Nicolas Sarkozy et sous François Hollande, des projets de lois similaires avaient été portés devant les parlementaires, et c'est à chaque fois le Sénat (plus conservateur sur les questions de patrimoine) qui avait bloqué les textes.
Rénover en démolissant ou réhabiliter sans démolir?
Reste que si la loi entre en vigueur, cela permettra à la mairie de Perpignan de démolir des bâtiments du quartier Saint-Jacques, pourtant situés en secteurs sauvegardés, sans l'autorisation d'un architecte des bâtiments de France (autrefois indispensable). L'article 15 du projet de loi permet en effet ce contournement en cas d'insalubrité des lieux. Pour Jean-Marc Pujol, maire de Perpignan, c'est une simple question de bon sens : "un immeuble sur deux que vous voyez aujourd'hui est vacant et n'est plus habité car il est insalubre. Les quelques autres qui sont en bon état, on ne les touchera pas."Rénover en démolissant ou réhabiliter sans démolir, c'est toute la question à laquelle un architecte des bâtiments de France répondait jusqu'à présent. Pour Jean-Bernard Mathon, président d'une association de sauvegarde du patrimoine, la loi Elan menace le cœur historique de Perpignan : "toute la partie sud du quartier Saint-Jacques va être confiée à un concessionnaire privé, un promoteur, donc là je pense que s'il veut démolir, on déclarera le bâtiment insalubre, et on pourra procéder à la démolition".
Avec la loi Elan, on aurait détruit une partie du Marais (Paris)
Les assouplissements permis par le texte pourraient bien mettre en péril ce quartier classé site patrimonial remarquable. Mais Jean-Bernard Mathon n'est pas le seul à penser que la loi Elan pourrait être dangereuse pour le patrimoine des villes. Pour Didier Rykner, rédacteur en chef du site La Tribune de l'Art, le texte pourrait avoir des effets dramatiques sur des quartiers à fort potentiel patrimonial.Selon ce spécialiste des questions d'architecture et de patrimoine, le gouvernement a un discours paradoxal : d'un côté le loto du patrimoine pour financer les monuments en péril, de l'autre la loi Elan qui va affaiblir les Architectes des Bâtiments de France, et donc exposer les sites patrimoniaux remarquables comme ceux de Perpignan à la démolition.
Rappelons qu'à l'Assemblée, les débats autour du projet de loi ont été houleux. Les discussions ont duré plus de 90 heures entre le 30 mai et le 8 juin. La loi a néanmoins été votée par 342 voix récoltées par la majorité La République en Marche/Modem contre 169 (majoritairement Les Républicains, Parti Socialiste, France Insoumise, Parti Communiste Français et Front National). Rendez-vous est donné aux sénateurs début juillet pour l'examen du texte.
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