Cet article date de plus de trois ans.

"Choisissez !" : l'historien Pascal Blanchard propose aux maires 318 noms de rue issus de la diversité

L'"important" c'est que les nouvelles générations se sentent "légitimes", défend l'historien chargé par Emmanuel Macron de faire des propositions pour rebaptiser les rues.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Pascal Blanchard, en février 2021. (FRANCE INTER / RADIO FRANCE)

"Vous n'avez plus la possibilité de dire qu'il n'existe personne pour représenter votre cité, votre médiathèque, ou votre complexe sportif", interpelle dimanche 14 mars sur de France Inter l'historien Pascal Blanchard qui met les maires face à leurs responsabilités. Sur demande d'Emmanuel Macron, qui déclarait le 4 décembre dernier dans son interview à Brut vouloir aider les élus à renouveler les noms de rues ou de bâtiments publics, il a dirigé un comité scientifique qui vient donc de remettre son rapport et une liste de 318 noms issus de la diversité. "Simplement, il faut s'en saisir et chacun peut choisir. 318, ça laisse quand même [la place à] de belles conversations dans les conseils municipaux pour trancher. Choisissez !", lance l'historien. C'est selon lui "important" pour que les nouvelles générations se sentent "légitimes". "Des jeunes vont regarder un nom de rue, de piscine, ou de stade et voir qu'il y a des gens qui racontent une histoire dans laquelle ils sont un peu plus valorisés."

À la question de savoir si certains noms, comme celui du tiers-mondiste et figure de l'anticolonialisme Frantz Fanon, ne sont pas trop clivants, Pascal Blanchard estime que "même une ville du Front national (sic) peut choisir" parmi sa liste. "Il y a quand même beaucoup d'hommes et quelques femmes qui sont morts pour la France, comme l'aviateur vietnamien Do Huu Vi [mort lors de la bataille de la Somme, le 9 juillet 1916]."

L'historien concède qu'il était "impossible" de proposer un recueil de noms neutres mais défend une "complémentarité" des choix des 18 membres de son comité scientifique. "Chacun est arrivé avec son approche d'historien, de sociologue, ou d'intellectuel. Je pense aux écrivains Leila Slimani et David Diop, à l'approche associative et proche des territoires de Salah Amokrane [Tactikollectif] et de Samia Chabani [Ancrages], ou encore à la culture militaire d'André Rakoto ]Office national des anciens combattants et victimes de guerre]. L'idée, c'était qu'on arrive autour d'une table, avec des points de vue différents."

"Parler autrement de notre histoire"

Parmi les 318 noms proposés, figurent encore ceux de Paulette Nardal, "première femme noire arrivée à la Sorbonne", celui "du grand résistant" Addi Bâ ou encore de Louis Delgrès. Mais ce dernier, un Martiniquais devenu chef de la résistance anti-esclavagiste contre les troupes napoléoniennes envoyées en Guadeloupe en 1802, peut-il donner son nom à une rue alors qu'Emmanuel Macron s'apprête à commémorer les 200 ans de la mort de Napoléon ? "En tout cas, les deux font partie de notre histoire", répond Pascal Blanchard.

"Jusqu'à maintenant le problème, c'est qu'il y a beaucoup de places, de rues, et de bâtiments qui portent le nom de Napoléon, et très peu le nom de Delgrès." L'historien estime qu'"on est peut-être entrés dans ce temps où il va falloir trouver ce juste équilibre pour parler autrement de notre histoire", montrer "aux nouvelles générations" de qui nous sommes "les héritiers".

Peu de femmes car "elles sont entrées tard dans l'histoire"

Enfin, Pascal Blanchard répond à la critique principale faite à sa liste. Pourquoi seulement 67 femmes (21%) sur 318 noms ? "Parce que dans le prisme militaire, dans l'histoire du sport, dans la littérature, les femmes sont entrées extrêmement tard dans l'histoire. La parité est tout à fait possible si vous regardez les cinquante dernières années mais dès que vous remontez le temps, du début du XXe jusqu'au début du XIXe siècle, la proportion de femmes dans tous les territoires socioprofessionnels est beaucoup plus faible".

L'historien explique qu'un débat a eu lieu au sein de son comité scientifique pour en arriver à la conclusion que "depuis dix, quinze ans, des collègues font déjà un travail très pertinent sur le nom des femmes dans nos rues, dont la proportion a largement progressé". "Ce n'est pas du tout le cas de la diversité", assure-t-il. Surtout, Pascal Blanchard promet que "le travail va continuer". "C'est une première liste, il nous reste de quoi écrire encore 2 700 à 2 800 biographies."

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.