Archéologie : quand les citoyens ont "rendez-vous avec leur histoire"
Les Journées nationales de l'archéologie (JNA) ont lieu du 14 au 16 juin 2019.
"L’archéologie est une discipline de proximité permettant aux citoyens de découvrir leur territoire", dit Dominique Garcia, président de l’Institut de recherches archéologiques préventives (Inrap), qui organise les Journées de l’archéologie (JNA) du 14 au 16 juin 2019. Rencontre.
Franceinfo Culture : Les JNA existent depuis 2009. Déjà dix ans !
Dominique Garcia: Depuis dix ans, elles sont organisées par l’Inrap pour le compte du ministère de la Culture. L’édition 2019 est d’autant plus importante qu’elle intervient dans le cadre des soixante ans du ministère.
Aujourd’hui, l’archéologie est-elle devenue une discipline populaire ?
Oui, je le crois. Mais je pense qu’il faut y associer la notion de proximité. L’Inrap, ce sont 2000 chantiers par an sur tout le territoire. Quand ils voient le mot "archéologie" sur un panneau ou un véhicule Inrap, les gens s’arrêtent et regardent en se disant : "Tiens, on découvre quelque chose".
De plus, ils voient des scientifiques venus recueillir l’information près de chez eux, parler avec eux. L’archéologie est donc vraiment une discipline de proximité : elle permet aux citoyens de découvrir leur territoire. Ils ont ainsi rendez-vous avec leur histoire. D’autant qu’avec les JNA, nous leur ouvrons largement les chantiers, les centres de recherche. Avec pour objectif de montrer la réalité du terrain, toutes les facettes des métiers de cette discipline.
Cette année, nous attachons une importance particulière aux relations avec les publics scolaires. Les enseignants sont demandeurs. Ils peuvent ainsi par exemple aborder la romanité, l’histoire de la Gaule. Ils peuvent aussi traiter de sujets d’actualité, comme les migrations, à partir du passé de manière différente, plus apaisée : l’homme de Neandertal, nos ancêtres Homo sapiens eux aussi se déplaçaient.
Quelles sont les découvertes majeures de ces dernières années ?
Il y a eu celle d’Aléria en Haute-Corse. On y a trouvé une tombe étrusque de qualité et très bien conservée, datée du IVe siècle avant notre ère. Cela va permettre de réécrire l’histoire et la géographie de l’Etrurie, ce peuple présent entre Florence et Rome, mais aussi en Corse depuis le VIe siècle.
Aux Antilles, il y a eu des découvertes de toutes les périodes, notamment des sites amérindiens. En Guyane, cela permet de présenter une nouvelle chronologie du peuplement de ce département. Il y a là un potentiel important. Les fouilles qui se développent dans le cadre de l’archéologie préventive permettent de ne pas rater ce qui l’a été lors des reconstructions en métropole après la Seconde guerre mondiale.
A Angoulême, on a mis au jour un site préhistorique de la période azilienne (site sur lequel on trouvé quelque 200.000 silex et 400 pointes de flèche, NDLR), celle des derniers chasseurs-cueilleurs, passage entre le Paléolithique et le Néolithique. A Uzès (Gard), nous avons découvert un cromlech, cercle de pierres datées de 3000 ans avant notre ère (exemple célèbre : Stonehenge en Grande-Bretagne, NDLR). On peut aussi signaler dans la Drôme, à Saint-Paul-Trois-Châteaux, la mise au jour d’un mikvé, bain rituel juif.
N’y a-t-il pas un risque que l’archéologie soit instrumentalisée dans le contexte de la montée des sentiments nationalistes et identitaires ?
C’est évident que le risque existe. Mais les archéologues vont sur le terrain. Ils mettent au jour des faits, accumulent des connaissances scientifiques, ce qui permet à chaque fois d’avancer. Ils contribuent à une histoire dédramatisée de proximité. Ils participent à un fait historique en le documentant. L’archéologie ravive les mémoires. Elle peut fournir des définitions en apportant des éléments documentaires. Et peut ainsi répondre à des questions sur "nos ancêtres les Gaulois". Mais pas comme on le faisait avant !
En 2019, les Journées nationales de l’archéologie s’ouvrent à l’Europe. Pourquoi ?
Pour la musique, le cinéma, le caractère européen apparaît comme évident. Alors que pour l’archéologie, on reste plutôt dans un cadre national. Pourtant, quand on aborde des périodes comme le Néolithique, cela n’a pas de sens s’il n’y a pas d’interaction avec d’autres pays. A l’âge du Bronze, les relations étaient importantes, grâce à la navigation, entre la Normandie et la Grande-Bretagne. Culturellement, il y avait alors davantage de liens entre les populations de part et d’autre de la Manche qu’avec le Bassin Parisien. L’archéologie permet d’écrire une histoire de France forcément connectée avec les autres pays du continent.
Les relations avec l’Europe ont donc du sens. Nous avons ainsi contacté 150 institutions européennes pour monter un réseau. Pour montrer que l’archéologie est quelque chose que l’on partage avec les autres pays européens, que sur le passé, on peut être d’accord. Si aujourd’hui, par exemple, on a une archéologie celte de qualité, c’est grâce aux relations établies de l’autre côté du Rideau de fer au cours des années 80, dans le cadre de programmes de recherche internationaux menés sur le site de Bibracte (Saône-et-Loire) avec les Hongrois, les Tchèques…
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