AprÚs son saccage, le célÚbre théùtre palestinien de Jénine déterminé à poursuivre "la résistance par l'art"
Connu dans le monde entier sous son nom anglais, le "Freedom Theatre", en plein coeur du camp de réfugiés de Jénine, est devenu un symbole de la résistance palestinienne contre l'occupation israélienne en Cisjordanie, a expliqué à l'AFP son directeur artistique, Ahmed Tobasi. Lui et son équipe en sont persuadés : le théùtre a été ciblé par des troupes israéliennes car "c'est un lieu de résistance par l'art", selon Ranin Odeh, qui y dirige le programme pour la jeunesse.
Le 13 dĂ©cembre, des soldats ont vandalisĂ© ce petit centre culturel lors d'une opĂ©ration menĂ©e par l'armĂ©e Ă JĂ©nine, causant de nombreux dĂ©gĂąts, a racontĂ© Ahmed Tobasi. Plusieurs employĂ©s avaient Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s chez eux, avait indiquĂ© le thĂ©Ăątre dans des publications sur Instagram le 13 dĂ©cembre. Ahmed Tobasi faisait partie des interpellĂ©s.
"C'est un théùtre ! Il n'y a pas d'armes ou de terroristes ici !"
De retour au travail, le metteur en scÚne est plus déterminé que jamais à garder le centre ouvert. "Pour moi, c'est de la résistance", affirme l'artiste de 39 ans en faisant visiter les lieux, inaugurés en 2006, à une équipe de l'AFP. AprÚs ce raid, l'appel du "Freedom Theatre" à la libération de ses employés a fait le tour du monde, entraßnant des manifestations dans les rues de New York et Paris, et des campagnes de soutien d'acteurs et metteurs en scÚne du Mexique à la Grande-Bretagne.
Le 12 décembre, une opération menée par l'armée israélienne contre ce qu'elle avait décrit comme "une fabrique d'explosifs", a fait 11 morts à Jénine, selon le ministÚre palestinien de la Santé, l'un des bilans les plus lourds dans la ville depuis le début de l'année. "C'est un théùtre ! Il n'y a pas d'armes ou de terroristes ici !" s'insurge Ahmed Tobasi.
"J'étais trÚs en colÚre de voir les soldats israéliens à l'intérieur; ce théùtre est comme chez moi. Ils veulent tout tuer, pas simplement les gens, mais aussi les idées", déplore Ranin Odeh, 31 ans. L'équipe a passé plusieurs jours à réparer les dégùts. Dimanche 31 décembre, le théùtre rouvrira ses portes pour son événement de fin d'année, un atelier pour de jeunes comédiens. Sollicité par l'AFP, l'armée israélienne n'a pas souhaité faire de commentaire.
Arrestations
Ahmed Tobasi montre les portes et serrures brisĂ©es, les photos abĂźmĂ©es, les bris de verre qui jonchent le sol. "C'est quoi ce comportement de la part de soldats ?", s'emporte-t-il, pointant une Ă©toile de David taguĂ©e en rouge sur la toile de la petite salle de cinĂ©ma. Parmi les personnes arrĂȘtĂ©s, Jamal Abou Joas, jeune formateur de comĂ©diens, a Ă©tĂ© relĂąchĂ© aprĂšs plus d'une semaine de dĂ©tention.
Le producteur Moustafa Sheta n'a pour sa part toujours pas été libéré, a indiqué Ahmed Tobasi, toujours sous le choc de son arrestation. Il a eu "les yeux bandés", "les mains menottées dans le dos" et a été détenu pendant plus de 12 heures au point de passage de Salam, à l'ouest de Jénine. Ils accusent des réservistes de l'armée israélienne de l'avoir frappé.
"Notre vie, notre avenir, tout est entre les mains des Israéliens"
Bastion de la rĂ©sistance contre l'occupation israĂ©lienne en Cisjordanie, JĂ©nine et son camp de rĂ©fugiĂ©s sont visĂ©s par de raids israĂ©liens rĂ©pĂ©tĂ©s qui se sont intensifiĂ©s depuis le dĂ©but de la guerre Ă Gaza, faisant des centaines de morts cette annĂ©e, la plupart des civils, d'aprĂšs le ministĂšre de la SantĂ© de l'AutoritĂ© palestinienne. Au moins 315 Palestiniens ont Ă©tĂ© tuĂ©s par des soldats en Cisjordanie occupĂ©e, et dans certains cas par des colons israĂ©liens, depuis le 7 octobre, selon un dĂ©compte de cette mĂȘme source.
Ahmed Tobasi est nĂ© et a grandi dans le camp de JĂ©nine. Le thĂ©Ăątre lui a offert un moyen non violent de rĂ©sister, de crĂ©er une alternative et un Ă©chappatoire Ă la rĂ©alitĂ© de la vie quotidienne du camp. "Notre vie, notre avenir, notre sommeil, notre respiration, tout est entre les mains des IsraĂ©liens, ils contrĂŽlent tout", dĂ©nonce l'artiste. AprĂšs le raid, il est encore plus convaincu de l'importance du centre culturel: "le thĂ©Ăątre est le lieu oĂč nous pouvons exprimer, combattre et rĂ©sister" Ă toutes les formes de violence.
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