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A Marseille, un petit bout d'une carrière grecque va être classé

Découverte par hasard lors de la construction d'un immeuble au centre de Marseille, une carrière grecque datant du Ve siècle avant JC va être en partie classée, une première victoire pour les riverains, face à la mairie pour qui développement économique rime avec projet immobilier.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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L'antique carrière grecque découverte à Marseille, boulevard de la Corderie
 (Citizenside / Hugo Lara / AFP)

"C'est une belle avancée", s'exclame tout sourire une habitante du quartier, Sandrine Rolengo, à la sortie d'un rendez-vous le 21 juillet à Paris, en compagnie du leader de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon, avec la ministre de la culture Françoise Nyssen.
 
Suivant l'avis de la Direction régionale des affaires culturelles (Drac), la locataire de la rue de Valois a décidé de protéger une partie du site : 650 m² - sur 6.500  m² - seront classés Monuments historiques, et une servitude sera établie pour permettre au public d'y accéder en permanence.
 
"La position de l'Etat est une position d'équilibre entre la nécessaire préservation du patrimoine et le non moins nécessaire aménagement du territoire", a-t-elle déclaré au journal La Provence.

Les vestiges grecs mis à jour à Marseille, boulevard de la Corderie
 (Citizenside / Hugo Lara / AFP)


La construction de logements "haut de gamme" prévue sur le site

La carrière antique occupe un terrain à deux pas du Vieux-Port, promis à la construction d'une résidence de huit étages pour 109 logements "haut de gamme".
 
Depuis la découverte du site lors de fouilles de sauvetage, de nombreux riverains se sont engagés pour sa sauvegarde. C'est "une découverte extrêmement importante", selon l'ex-conservateur en chef des musées de France, Alain Nicolas.
 
"J'ai tout de suite été émerveillée", se remémore Sandrine Rolengo. "Nous étions face à un vrai trésor, là, sous nos yeux. Comment pouvait-on le laisser enfoui sous terre? "

Une pétition en ligne

Tout aussi subjugué par cette découverte archéologique, Jean-Noël Beverini, un autre riverain, lance une pétition en ligne. "Ce site antique de la Corderie, d'une valeur inégalée, participe non seulement à l'approfondissement de l'histoire de Marseille mais contribue également à l'enrichissement et au rayonnement de la civilisation grecque sur notre pourtour méditerranéen", écrit-il. A ce jour, la pétition a été signée par plus de 9.000 personnes.
 
Guy Coja, du collectif "Laisse béton", demande lui l'annulation du permis de construire et la création d'un "jardin des vestiges", que visiteraient les touristes en montant jusqu'à la célèbre basilique Notre-Dame de la Garde.
 
Les initiatives se multiplient... Jusqu'à solliciter le nouveau député de Marseille, Jean-Luc Mélenchon. "Même si le site ne dépend pas de sa circonscription, nous nous sommes dit que, comme il est féru d'Histoire, il ne pourrait pas nous laisser tomber. Et, c'est ce qui s'est passé", raconte Sandrine Rolengo.

Jean-Claude Gaudin veut "assurer l'avenir économique" de Marseille

Si les riverains sont d'emblée convaincus de l'intérêt archéologique du site, la mairie, qui fait de la rénovation urbaine le fer de lance de sa politique municipale, ne semble pas enthousiaste à l'idée d'arrêter le chantier de construction.

Lors d'un conseil municipal, fin juin, la carrière grecque s'est invitée dans les discussions. L'ancien président PS de la métropole Eugène Caselli a demandé "de conserver le site "intact" en arrêtant les travaux.
 
"Il y a aussi l'avenir de cette ville et de son développement", lui répond le maire LR Jean-Claude Gaudin, renvoyant à son adjoint André Malrait la responsabilité de préciser que la carrière est constituée de "pierres de très mauvaise qualité" dont on ne trouve "aucune trace dans les édifices marseillais de l'époque".
 
"On prendra tous les soins nécessaires sur les fouilles archéologiques mais je tiens à ce qu'on construise également pour assurer l'avenir économique de cette ville", a martelé Jean-Claude Gaudin.

Gaston Defferre aussi s'était opposé à la sauvegarde in situ de vestiges

La rhétorique n'est pas nouvelle. En 1967, alors maire de Marseille, le socialiste Gaston Defferre s'était opposé à la sauvegarde in situ de vestiges grecs découverts en plein centre-ville : "Ce n'est pas parce qu'on a trouvé des pierres qu'il faut arrêter un chantier", avait-il réagi.
 
Confortés par la décision de la ministre de la Culture, les riverains qui n'ont "encore jamais été reçus" par le maire espèrent l'être prochainement : "De nouveaux plans du site devront être établis et nous n'avons pas encore toutes les réponses à nos questions", indique Sandrine Rolengo.
 
Contactée par l'AFP, la mairie n'avait pas réagi mardi.  
 

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