14-18 : l'humour tragique des dessins de presse des poilus
Plus encore que les photographies, les dessins montrant la guerre frappent celui qui les regarde. Il a parfois le sentiment d'y contempler le cauchemar d'un autre. Une impression très dérangeante. Et c'est effectivement le cas avec "Impressions du Front-Journaux de Tranchées" l'exposition proposée au Musée du Temps de Besançon jusqu'au 15 mars 2015. Un siècle après la boucherie de 14, l'horreur vécue des deux côtés ressurgit intacte, échappée quasi hurlante des livres d'histoire qui nivellent l'émotion.
Reportage : E. Rivallain / C. Leduc / E. Dubuis
Si la tragédie y est souvent montrée telle que vécue par les Poilus et leurs homologues allemands, l'humour n'est pas absent de ces publications. Empreint de cynisme, d'autodérision et d'esprit caustique, l'humour y fait grincer des dents et illustre bien le fait que les jeunes hommes appelés à se faire déchiqueter par la mitraille n'étaient pas dupes du discours officiel des autorités politiques et militaires. Les dessins proposés ont pour beaucoup paru dans la presse combattante. Plusieurs centaines de journaux paraissaient en effet à destination des Poilus, mais aussi de l'arrière afin de faire comprendre ce que les fils et les pères vivaient au quotidien. Pourtant, et avec le recul de l'Histoire, on se dit que l'humour désespéré qui émane de ces images ne pouvait être vraiment compris que par les combattants eux-mêmes.
470 publications
Les journaux pullulaient sur le front. On a répertorié 470 titres, écrits, imprimés, distribués par les combattants eux-mêmes. Ils étaient souvent gratuits pour les Poilus, payants pour la distribution auprès des civils à l'arrière et à un prix exhorbitant (2000 francs en or) pour les embusqués !
Sur ce nombre incroyable de journaux combattants, le musée de Besançon en possède des exemplaires issus de 231 titres. " De la même façon que l’étoffe de l’homme change de façon démoniaque. Il faut avoir observé des êtres humains à l’état sauvage pour parvenir à les comprendre. […] La guerre est quelque chose de bestial : la faim, les poux, la boue, ces vacarmes d’enfer. Tout est complètement différent. " Otto Dix
Otto Dix (1891-1969)
L'exposition bisontine permet de découvrir ou de revoir les dessins de cet artiste allemand qui vécut côté allemand l'enfer des tranchées. Celui qui allait devenir l'un des grands noms de l'expressionisme les a réalisés plusieurs années après la guerre, comme pour se débarrasser d'images qui le hantaient. En noir et blanc sans beaucoup de blanc, elles sont à rapprocher du cinéma muet de l'époque. Cet expressionisme était alors d'autant plus exacerbé qu'il devait traduire par la seule image l'horreur ressentie de manière auditive aussi bien que visuelle. Otto Dix appartient au mouvent dit de la "Nouvelle Objectivité". George Grosz (1893-1959)
Rattaché lui aussi à la "Nouvelle Objectivité", mais également au courant dadaïste, George Grosz avait choisi d'illustrer la guerre différemment. Ses dessins ne montraient pas l'horreur des tranchées mais la vacuité et l'insignifiance coupable de l'arrière. Il dénonçait les "planqués" qui, dans la quiétude de l'éloignement du front, vivaient confortablement une existence futile. Il s'attaquait à ceux qui prospéraient sur le dos des combattants, magnats de l'industrie et de la finance, capitalistes prospères et cyniques. Lui aussi a connu le champ de bataille vers la fin du conflit. Il en a peint des scènes également pleines d'une violence désespérée. "Impressions du Front-Journaux de Tranchées" au Musée du Temps
Jusqu'au 15 mars 2015
96 Grande Rue, Besançon
Tél : 03 81 87 81 50
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