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Une école innovante de musique pour les 9-12 ans à Pau
Apprendre des écoliers de 9 à 12 ans à "faire ensemble" de la musique au sein d'un orchestre symphonique, avec des musiciens professionnels mais sans apprendre le solfège. C'est le pari gagné depuis 2014 par l'orchestre El Camino de Pau, inspiré par le modèle El Sistema fondé il y a 40 ans dans un bidonville de Caracas, au Venezuela.
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218 enfants de neuf écoles
"C'est super, articulez surtout ! Faut pas penser que c'est parce que vous êtes au deuxième ou troisième rang qu'on ne vous voit pas !", lance Fayçal Karoui, directeur de l'orchestre de Pau Pays de Béarn (OPPB), aux 80 élèves en train de répéter l'opéra pour enfants "Un village sans papas", écrit spécialement pour l'OPPB."Dès le départ, les enfants sont séduits car ils jouent dans un orchestre, avec tout le rituel que ça comporte. Ils se sentent comme des artistes, ils sont fiers", ajoute Didier Touyet, l'un des musiciens de l'orchestre.
Sur la scène du théâtre Saint-Louis, les fillettes tirent sur leurs jupes, les garçons se balancent d'un pied sur l'autre ou croisent les bras. Plus la répétition avance, plus les enfants, accompagnés par une quinzaine de musiciens de l'OPPB, semblent s'ouvrir et être à l'aise avec leurs corps.
Les musiciens et chanteurs en herbe appartiennent à l'association El Camino, qui réunit au total 218 enfants issus de neuf écoles de Pau autour d'un projet social et éducatif axé sur une pratique musicale collective et intensive. "Il est basé sur une immersion des enfants de 7 heures et demie par semaine dans la musique symphonique, encadrée par 22 musiciens de l'OPPB", explique Jean Lacoste, initiateur du projet et adjoint à la culture à la mairie de Pau.
Faire ensemble
Créé en 2014, El Camino s'inspire d'"El Sistema", un mouvement à destination de jeunes défavorisés fondé au Venezuela par le compositeur Jose Antonio Abreu. "Il y a près de 40 ans, Abreu est parti d'un postulat : un orchestre symphonique est une micro-société idéale où il y a du partage, de la hiérarchie, de la discipline, de l'entraide, de l'effort individuel, et du bonheur collectif", résume l'élu."El Camino est une commande politique, mais parfaitement imbriquée dans le travail que nous menons depuis seize ans", estime Fayçal Karoui. "Avec Valérie Layous, responsable pédagogique de l'orchestre, nous avons dès le départ ciblé les enfants des quartiers éloignés des centres culturels."
Selon le chef d'orchestre, si le projet capte les enfants c'est qu'il est basé sur des valeurs simples : "On n'apprend que ce dont on a besoin. Un enfant a-t-il besoin de savoir le solfège à six ans ? Ma réponse est non". "La différence avec le conservatoire, c'est que nous travaillons sur l'oralité et le corporel. Au conservatoire, on travaille directement sur la lecture. Le danger, c'est qu'on n'est plus dans l'écoute", explique encore le musicien Didier Touyet. Et Fayçal Karoui de résumer : "On nous parle sans arrêt de développer le ‘vivre Ensemble’, nous nous développons le ‘faire ensemble’".
"En deux ans d'existence, il y a eu peu d'abandon. Nous n'avons pas eu la remarque ‘ça ne me plaît plus’", assure Valérie Layous.
Reportage : Z. Poussard / B. Bracot / A. Girardi
L'expérience dépasse le strict plan musical. Cécile Caudela, présidente de l'association de parents de l'association et maman de Femi, 11 ans, apprenti contrebassiste dans l'orchestre, constate: "depuis qu'il est entré à El Camino, il a arrêté de voir un psychologue, ça lui a apporté énormément en concentration et sociabilité."
"Au fond, conclut Fayçal Karoui, la seule contrainte de taille dans ce projet c'est le côté financier. On passe notre temps à courir après." El Camino dispose d'un budget annuel de 420.000 euros, dont 100.000 subventionnés par la ville.
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