"Sugar Man" : l'incroyable destin de Sixto Rodriguez, égal d'un Bob Dylan
Né à Detroit en 1942 dans une famille d'immigrés mexicains, Rodriguez est repéré à la fin des annés 60 par deux producteurs dans un bar où il s'est fait une petite réputation. Convaincus d'avoir mis la main sur une pépite, ils lui font enregistrer un premier album, "Cold Fact", en 1970. La critique est bonne mais le flop sans appel. Un an plus tard, un autre producteur mise sur Rodriguez. Nouveau disque, "Coming From Reality", et nouveau bide, même si le talent de l'artiste est confirmé. Sixto Rodriguez retourne dans les oubliettes de l'histoire et se met à retaper des maisons pour survivre.
C'est une Américaine partie rejoindre son amoureux en Afrique du Sud, qui va le faire sortir de l'anonymat de façon éclatante. Dans ses bagages, elle ramène un exemplaire de "Cold Fact". Sa musique aux accents libertaires devient en Afrique du Sud l’hymne de la jeunesse blanche progressiste anti-apartheid, et en particulier "I Wonder", une chanson de l'album où il est question de liberté sexuelle.
Mais là-bas, ses fans ignorent ce qu’il est devenu et les rumeurs les plus folles courent à son sujet : il se serait suicidé sur scène par immolation. Mais deux admirateurs finissent par le retrouver et le font venir en Afrique du Sud où il est accueilli en grande star en 1998, pour six concerts à guichets fermés.
"Meilleur que Dylan" ?
Puis cet humble parmi les humbles retourne à sa vie quotidienne. Jusqu'en 2006, où Malik Bendjelloul s'empare de cette histoire hors du commun. Son film reconstitue l'enquête des deux fans sud-africains, et donne la parole à tous les acteurs de la "renaissance" de Rodriguez.
La plus grande crainte du réalisateur était d’être déçu par la musique du chanteur. Il se rassure en la faisant écouter à un fan de Bob Dylan : "Il m'a dit que c'était meilleur que Dylan. ‘Cold Fact’ est tout simplement un des plus grands disques de tous les temps", estime-t-il.
Comment un tel talent, ayant composé des chansons aussi inspirées que "Cause", l'histoire poignante d'un type perdant son job deux semaines avant Noël, "Can't get Away" aux arrangements raffinés (ci-dessous live à Londres en novembre 2012), ou "I Think of You", chanson d'amour sur fond de cordes aériennes, est-il resté dans l'ombre aussi longtemps ?
Pour Malik Bendjelloul, c’est à cause des origines de Rodriguez. « Rodriguez défiait la scène rock blanche, les Rolling Stones, le Velvet Underground et Bob Dylan. Et à cette époque, aux Etats-Unis, on ne vous laissait pas faire ça." D'autres pointent du doigt le label Sussex Records qui a sorti ses disques. Lui a-t-il maintenu la tête sous l'eau pour faire monter un autre poulain ? Difficile de trancher plus de 40 ans après les faits.
Dans le film, Rodriguez, figure de sage énigmatique dont le regard reste toujours à l'abri derrière ses lunettes noires, n’exprime d'ailleurs aucune amertume, malgré une situation économique précaire. Cette reconnaissance tardive semble l’amuser. Cette année, à 69 ans, il est reparti sur les routes. Après une tournée aux Etats-Unis et en Europe, il fera halte pour une date à Paris le 5 juin prochain (à la Cigale).
"Searching For Sugar Man ", la bande originale du film, compilation des deux albums de Rodriguez plus trois autres chansons, est parue le 10 décembre (Sony Legacy).
"Sugar Man" le film documentaire de Malik Bendjelloul, est sorti en France le 26 décembre
Sixto Rodriguez en concert le 5 juin 2013 à La Cigale (Paris)
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