Tout juste libérées, les deux Pussy Riot ne désarment pas
Toutes deux arrêtées en mars 2012 pour avoir chanté une prière "anti-Poutine", elles devaient initialement être libérées en mars prochain. Leur remise en liberté intervient trois jours après celle de l'ex-magnat du pétrole et critique du Kremlin Mikhaïl Khodorkovski, gracié à la surprise générale par Vladimir Poutine, un geste interprété par certains comme une volonté d'améliorer l'image de la Russie à l'approche des jeux Olympiques qui doivent se tenir en février à Sotchi, sur les bords de la mer Noire.
Maria Alekhina, âgée de 25 ans, a été libérée en toute discrétion dans la matinée de son camp situé à Nijni-Novgorod (Volga), tandis que Nadejda Tolokonnikova, 24 ans, a quitté sous le feu des projecteurs l'hôpital pénitentiaire où elle se trouvait à Krasnoïarsk, en Sibérie orientale. Accueillie par une meute de journalistes, cette dernière, qui avait observé plusieurs grèves de la faim pour dénoncer ses conditions de détention, est apparue amaigrie.
La Russie, colonie pénitentiaire
Dès leur sortie, les deux jeunes femmes ont eu des mots très durs à l'égard du pouvoir russe. "La Russie est construite sur le modèle d'une colonie pénitentiaire et c'est la raison pour laquelle il est si important de changer les colonies pour changer la Russie de l'intérieur", a déclaré Mme Tolokonnikova, selon des images retransmises à la télévision. "Les camps sont le visage du pays", a-t-elle ajouté. Elle a jugé que le temps qu'elle avait passé en détention n'avait pas été "du temps perdu", et estimé qu'elle avait "grandi" grâce à cette expérience. "J'ai vu cette petite machine totalitaire de l'intérieur", a-t-elle déclaré.
Sur l'amnistie qui a permis sa libération, approuvée mercredi dernier par le Parlement russe à l'occasion des 20 ans de la Constitution russe, elle a jugé que c'était un geste "ridicule". "Pourquoi ont-ils fait tout cela? C'est clair: pour que l'on ne boycotte pas complètement la Russie aux jeux Olympiques", a-t-elle dit à la radio Echo de Moscou. Maria Alekhina, visiblement en bonne forme, a aussi fustigé cette loi qui prévoit entre autres de libérer les personnes condamnées pour "hooliganisme" et les mères d'enfants mineurs.
L'amnistie, une "opération de communication" du Kremlin
"Je ne pense pas qu'il s'agisse d'un geste d'humanisme, mais plutôt d'une opération de communication", a asséné la jeune femme, mère d'un petit garçon, Philippe, dans un premier entretien par téléphone à la chaîne câblée Dojd. Elle a dénoncé une loi qui ne concerne "même pas 10%" des détenus et affirmé qu'elle aurait refusé cette amnistie si elle avait eu le choix. "Le plus dur en prison était de voir comment ils cassent les gens", a-t-elle déclaré.
Un peu plus tard, elle s'est dite "fière" de ce qu'avaient fait les Pussy Riot. Elle doit se rendre dans la soirée à Moscou avant de repartir pour Krasnoïarsk afin de retrouver Nadejda Tolokonnikova, avec qui elle a l'intention d'oeuvrer pour améliorer le système pénitentiaire russe.
L'ex-dissidente soviétique et militante des droits de l'Homme Lioudmila Alexeeva a souligné que les gens innocents condamnés décidaient souvent ensuite de militer en faveur des détenus. "Quand les gens sont confrontés à cette face de la réalité que constituent nos lieux de détention, ils sont horrifiés", a-t-elle déclaré, citée par l'agence Interfax.
Les deux jeunes femmes avaient été condamnées à deux ans de camp notamment pour "hooliganisme", après avoir chanté en février 2012 une "prière punk" contre le président Vladimir Poutine dans la cathédrale du Christ Sauveur à Moscou. Une troisième jeune femme, Ekaterina Samoutsevitch, avait aussi été condamnée mais libérée quelques mois plus tard, sa peine ayant été commuée en sursis au motif qu'elle avait été interceptée par les gardes de la cathédrale avant d'avoir pu prendre part à la performance. L'ensemble des recours des deux prisonnières avaient jusqu'à présent été rejetés par la justice russe, les prisonnières ayant refusé de reconnaître leur culpabilité. Leur condamnation avait suscité un tollé international et de nombreuses stars de renommée mondiale telles que Madonna ou Paul McCartney avaient appelé à leur libération.
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