The Black Angels : "Le propre de la musique psychédélique, c’est de pousser les choses vers le futur"
Mystiques et politiques, les Black Angels ont remis le psychédélisme à l'honneur à la fin des années 2000. Mené par la voix grave, tout en échos, du chanteur Alex Maas, ces chamans du rock comptent parmi les plus singuliers du genre. Si l'héritage des années hippies se manifeste dans leurs riffs planants, ils composent un rock plus sombre, plus lourd, plus puissant.
Les Black Angels, dont le nom est inspiré de la chanson "Black Angel's Death Song" du Velvet Underground, s'apparentent plus au morceau "Venus In Furs" de leurs aînés. "On essaie de dire le plus de choses possibles dans nos chansons", affirme le chanteur. Sur leur dernier album, "Death Song", écrit pendant la campagne présidentielle américaine, des titres comme "Currency" ou "Medicine" décrivent un système corrompu.
Juste avant la claque musicale et visuelle de leur concert, qui clôturait l'édition 2018 de Rock en Seine, Culturebox à pu parler psychédélisme et révolution avec deux des fondateurs du groupe : Christian Bland et Alex Maas.
Quand on vient d’une ville comme Austin, au Texas, on ne peut pas éviter l’héritage du rock psychédélique, non ?
Christian: On ne pouvait pas y croire, c’était surréaliste. On a joué avec lui en 2008 : ça fait dix ans déjà. C’est fou comme le temps passe ! Tu as vu le film “You're gonna miss me” ? C’est un documentaire très intéressant qui retrace comment il commençait à devenir fou, et comment la musique l’a sauvé.
Alex : Rocky est assez confus. Ce n’est pas évident d’avoir une conversation avec lui, il y a beaucoup de choses dont il a du mal à se souvenir : quand il a écrit certaines chansons, l'histoire des paroles... Pourtant, après avoir joué de la musique avec lui, il avait toujours ces moments de lucidité où il était “normal”. Il se souvenait de la chanson, il se souvenait de qui on était, d’où il était. Mais avant le concert, ou quelques heures après, il retombait dans sa torpeur, il n'était plus vraiment là. Pour lui la musique était vraiment une super thérapie : à chaque fois qu’il jouait, il parvenait à se concentrer. Il faut vraiment le voir de ses yeux : comment la maladie mentale agit, et comment la musique peut t’aider à être clair, c’était hyper intéressant.
En 2008, vous avez créé le Austin Psych Festival, qu'on appelle désormais le Lévitation festival. Il s'est exporté un peu partout : Chicago, Vancouver, Angers. Et d'autres festivals de musique psychédélique se sont créés, comme à Paris par exemple. Comment expliquer ce retour en force?
Alex: Je crois qu'il faut voir les choses comme un cycle. On savait qu’à un moment la musique psychédélique reviendrait, et c’est maintenant. Il y en aura un autre où les gens se remettront à écrire de la musique comme en 1800 ! (rires) Tout fonctionne en cycles, c’est déjà une des raisons. Ensuite, je crois que le climat politique a quelque chose à voir avec ça. Comment dire... Je ne dirai jamais à un artiste à propos de quoi il doit chanter. Mais le plus gros problème avec le mouvement psyché c’est ça : la musique est vraiment cool, mais je crois que ça manque parfois de message. Parce que c’est un truc puissant, on pourrait être p***** de bons. Tu vois des festivals psyché éclore dans plein de villes, il y en a partout. Est-ce que c’est un genre de club secret pour les gens qui ont de super goûts musicaux ? Oui, c’est tout ça, mais la question c’est : comment aller plus loin avec ce mouvement ? Encore une fois je ne dicterais jamais à quelqu’un ce sur quoi il doit chanter. Mais si tu me demandes si je suis frustré : oui, peut-être un peu.
Chris: L’ironie du rock psyché aujourd’hui, c’est quand les gens ont l’air de sortir des années soixante. Mais le propre de la musique psyché, c’est de pousser les choses vers le futur. De tenter quelque chose qui n'a jamais été vu avant. Donc quand tu fais de la musique psyché et que ça a l’air de quelque chose qui a déjà été fait, ce n'est juste pas psychédélique !
Christian: Oui, ça fait partie du cycle : tu as les vinyles, les pattes d'eph' puis la musique psychédélique. Au fond, c'est la meilleure façon d'écouter de la musique ! Pas mal d'objets ont atteint leur pic dans les années 50 et 60 : les amplis, les guitares... Cette technologie n'a jamais été surpassée. On a essayé le digital, mais ce n'est pas la même chose.
Alex: Et les gens se souviennent de ça. Je crois qu'il y a un mouvement pour revenir à des objets tangibles, qui sont solides et vont durer un moment. C'est allé très vite aux Etats-Unis, on a construit un tas d'immeubles, d'habitations fragiles, et beaucoup de gens se sont rendus compte qu'ils voulaient quelque chose de durable, de tangible.
Diriez-vous que les drogues ont la même place aujourd’hui qu'au début du mouvement dans les années soixante ?
Alex: Les drogues peuvent à la fois interrompre ou être le déclencheur d'une révolution, c'est à double tranchant. S’il n’y avait pas eu une explosion de drogue dans les années soixante, il en faudrait une pour ouvrir ces portes. Mais comme ça a déjà été fait historiquement, ce n'est pas nécéssaire. Sur un plan personnel, c'est différent. Je ne sais pas combien de gens prennent de la drogue. Sûrement beaucoup, non ? Je ne pense pas que ça disparaîtra, les gens auront toujours besoin d’explorer, d’avoir des expériences mystiques. Et tu n’as pas besoin de te limiter à une secte ou à une religion, tu peux te fabriquer ta propre forme de spiritualité.
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