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Le rap français, une relation compliquée avec ses rappeuses ?

Pour la première fois, la tête d'affiche de Hip-Hop Symphonique, mardi à la Maison de la Radio, sera une femme, Chilla, rappeuse et symbole, aussi, de la rareté des têtes d'affiche féminines dans le rap. À qui la faute ?

Article rédigé par Yann Bertrand
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
La France ne manque pas de rappeuses, mais elles sont souvent dans l'ombre. (DAVID ADEMAS / MAXPPP)

Quand on parle de rap au féminin en France, son nom revient à chaque fois : Diam's, c'était il y a plus de dix ans. En termes de "grandes anciennes" toujours actives, on peut citer Casey, ou encore Keny Arkana, deux autres grands noms du rap. Depuis, Diam's est à la retraite, et son exemple revient souvent dans les questions qu'on pose aux rappeuses aujourd'hui, à l'image de Sianna : "J'ai entendu son histoire, elle a vraiment dû travailler pour ça, quatre fois plus que certains". La jeune femme a sorti un album, Diamant Noir, il y a deux ans. Elle confessait à l'époque avoir dû batailler plus que les autres.

Certains me soutiennent devant les caméras mais derrière il n'y a plus grand-chose

Sianna

Exemple frappant : Sianna était la seule femme à l'affiche du grand festival Révolution qui devait se tenir à Paris en septembre dernier, finalement annulé. Pourtant, des femmes qui rappent il y en a beaucoup mais on ne les voit pas. C'est l'un des combats du label La Souterraine, qui sort le 29 novembre une compilation 100 % rap féminin. Beaucoup de jeunes rappeuses postent des freestyles sur Instagram, le compte Rap2filles notamment, espace de reconnaissance.

Éloïse Bouton, elle, est journaliste. Elle a créé le site Madame Rap et organise des concerts, des rencontres, des débats autour du rap au féminin. Et son propos est limpide.

Le rap véhicule quelque chose de très émancipateur pour les femmes [...] et en France on est encore très conservateur et réactionnaire

Éloïse Bouton, Madame Rap

Le problème vient notamment de l'exposition médiatique et des maisons de disques, selon elle. Chez Universal Music, le PDG s'appelle Olivier Nusse et il a signé Chilla ou Shay ces dernières années: "On rêve d'avoir des artistes féminines de musiques urbaines qui puissent réellement avoir du succès mais avant tout, et même si on a une responsabilité là-dessus, on est là surtout pour prendre des paris sur des artistes auxquels on croit".

Chez Universal il y a notamment Chilla, qui est sûrement aujourd'hui la tête d'affiche. Son premier album MŪN sorti en juillet dernier a bien marché, elle tourne beaucoup et affiche des millions de vues sur chacun de ses clips. Il y a deux ans, elle avait sorti un morceau au titre évocateur : #Balancetonporc... Mais être définie par son genre, très peu pour elle.

Ce n'est pas avec ça que je veux vendre de la musique, je suis juste dans une démarche où je parle de mes émotions, je suis sincère

Chilla

Quand on cherche, on trouve, c'est le message qui revient souvent. C'est celui par exemple de Ségolène Favre-Cooper, programmatrice du MaMA Festival à Paris, qui proposait le mois dernier une affiche très excitante : "Il y a de plus en plus de filles qui arrivent avec leur univers, une proposition artistique souvent à part et dans tous les cas très intéressante". Dans sa programmation cette année, il y avait notamment Lala &ce et Yseult, pour ne citer qu'elles.

Comme souvent, c'est peut-être en Belgique qu'il faut aller pour comprendre, et apprécier l'originalité en matière de musique. Là-bas, Blu Samu est l'une des plus belles promesses.

Quand les médias et les gens feront l'effort, ils s'apercevront qu'en fait, on a toujours été là

Blu Samu

Chez tous ces intervenants, une chose est sûre : le rap n'est pas plus misogyne, dans ses propos, dans sa philosophie, dans ses actes, qu'un autre genre. Le seul problème, pour Eloïse Bouton, c'est que "le rap misogyne est celui qui est le plus promu et visible dans les médias grand public mais ça veut pas dire que c'est que ça, et ça veut pas dire qu'il n'y a pas autre chose qui existe". Dans les médias, dans les festivals où la parité est encore un fantasme, tous genres confondus, dans les salles de concerts ou dans les concours de freestyle, les rappeuses sont là, il faut juste avoir l'envie de les découvrir.

Les femmes dans le rap, entre émergence et invisibilisation

Hip-Hop Symphonique, 4e édition, avec Chilla, Rim'K, Ninho, SCH. Le 12 novembre à la Maison de la Radio.

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