"L'envolée" de Stephan Eicher contre la crise
"Pendant cinq ans, il y a une colère qui a grandi en moi, envers ce monde dans lequel on vit", explique Stephan Eicher. "Quand j'ai sorti mon dernier disque, je l'ai appelé ‘Eldorado’ et, trois mois plus tard, il y a eu la crise des subprimes, cette injustice, cette disparition de démocratie où l'économie dirige tout", raconte le chanteur suisse de 52 ans.
"Je ne supportais plus les gens qui criaient, la panique et je me suis dit que ce qui me ferait du bien, ce serait de me calmer et d'être alerte en même temps."
Chaque son a dû se défendre
Stephan Eicher a alors voulu faire ce qu'il n'avait "jamais fait" auparavant : un disque "réfléchi", conçu comme un "antidote". "Je savais quelle émotion je rêvais de créer pour la personne qui l'écoute. Chaque son a dû se défendre. S'il n'avait pas une raison d'être là, il était effacé", explique-t-il. Et chaque chanson occupe une place bien précise.
Le seul titre du disque qui aborde très directement la crise ("Tout doit disparaître") est ainsi immédiatement suivi par l'évocateur "La Relève".
Un des titres du dernier album de Stephan Eicher, "L'envolée"
"Tout doit disparaître" a été écrite à quatre mains avec Miossec, lors de vacances communes. Le Breton est un des nombreux collaborateurs de "L'Envolée" aux côtés de l'écrivain suisse Martin Suter, des musiciens Avril et Mark Daumail (la moitié du duo folk Cocoon) et, bien sûr, de Philippe Djian.
Ma voix appartient à Philippe Djian
Depuis leur rencontre sur le plateau d'une émission d'Antoine de Caunes à la fin des années 1980, le nom du romancier est étroitement lié au travail de Stephan Eicher.
"Ma voix, elle appartient à Philippe", dit le musicien, qui souligne qu'une relation aussi profonde est "un plaisir, mais aussi un travail".
En 2010, il a entraîné l'auteur de "37,2°, le matin" dans des "concerts littéraires", mélanges de lectures et d'improvisations musicales. "Je voulais lui montrer un peu plus ce que je vis. Je trouvais important qu'il soit sur scène avec moi, qu'il voie la réaction du public, qu'il comprenne que chaque spectateur a un imaginaire dans sa propre vie avec chaque chanson que nous écrivons", explique-t-il.
"Je crois qu'avec la scène, Philippe a compris que la musique n'était pas quelque chose de privé, que si je chante un texte de Miossec, d'Avril ou de lui, c'est un partage", poursuit-il. "Ce n'est pas ‘Ah tu me trompes !’, ce qui pourrait être une vision de la chose, c'est ‘je partage’", souligne-t-il.
Des titres courts et des concerts en costard
En commençant à écrire "L'Envolée", Stephan Eicher a dressé une liste d'interdits et d'impératifs. "Un artiste, c'est comme un enfant à qui ont dit ‘tu peux manger tous les bonbons que tu veux’. Il les mange ! Mais après il a mal au ventre", s'amuse-t-il.
"Avec l'informatique, on a toutes les possibilités et ça s'entend dans la musique", explique-t-il.
Parmi les règles fixées: créer des chansons courtes pour "aller à l'essentiel, car les gens n'ont plus vraiment le temps d'écouter".
Ou "écrire et jouer en costume", une ligne de conduite inspirée par Leonard Cohen. "J'ai vu la pochette de son dernier disque et je me suis dit que j'arrivais peut-être dans cette phase de ma vie. Tout d'un coup ça a donné une ambiance très soignée au disque. En règle générale, je pense qu'on ne traite pas bien le public, et c'est peut-être aussi une raison de cette crise du disque", dit-il.
Stephan Eicher part bientôt en tournée, en France, en Suisse, en Belgique et au Luxembourg. Il démarre le 6 décembre à Nîmes. Les dates des concerts sur son site
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