Sa mère et un naufrage au coeur de "Mona", le nouvel album d'Emily Loizeau
"J'adore toujours autant les concerts, mais je viens du théâtre et il y a une dimension que je n'ai pas encore pris le temps d'explorer", explique à l'AFP Emily Loizeau. La chanteuse franco-britannique a étudié dans une école de théâtre londonienne, et a été l'assistante de Georges Aperghis, pionnier du théâtre musical.
Son quatrième album studio, "Mona" (Polydor/Universal), qui sort vendredi, se veut la bande-son d'une pièce qu'elle a écrite et jouée pour la première fois en début d'année au Centquatre, à Paris.
Emily Loizeau veut bien sûr rester cette chanteuse et pianiste à la voix délicate, aussi à l'aise en français qu'en anglais, installée depuis dix ans dans le paysage musical français. Mais à 41 ans elle voit plus large : les festivaliers du Printemps de Bourges, en avril, ont ainsi pu l'applaudir un soir dans sa lecture théâtrale consacrée aux textes de Lou Reed ("Run, run, run"), puis avec son piano et ses nouvelles chansons le lendemain.
Une envie d'explorer la scène en trois dimensions
"J'avais envie d'explorer davantage la scène en trois dimensions" et de "collaborer avec d'autres gens, des vidéastes, des comédiens, de m'enrichir auprès de ceux qui ont un autre langage, c'est ça qui fait qu'on grandit et qu'on renouvelle son écriture", observe-t-elle.Pour "Mona", tout a commencé par l'écriture d'une pièce de théâtre mêlant deux récits. D'un côté, une femme accouche d'un enfant, "Mona", mais apprend que ce bébé a en fait... 73 ans. Un enfant qui s'avère être psychotique et se tue à petit feu en buvant trop d'eau, un trouble appelé la potomanie. L'autre récit est celui d'un marin de la Navy britannique dont le bateau est bombardé par les Allemands et fait naufrage au large de la Crète pendant la guerre.
Ces deux histoires de "naufrages", l'un intérieur et l'autre bien réel, ne font qu'une pour Emily Loizeau. La première fait écho à sa mère Eliza Hutchinson, une artiste anglaise décédée en début d'année, qui a souffert de troubles psychiatriques. La seconde à son grand-père maternel, Jeremy Hutchinson, 101 ans aujourd'hui, qui était sur le navire coulé en 1941 au moment où sa femme était enceinte de la mère de la chanteuse.
Des chansons mélancoliques et aquatiques
L'occasion pour Emilie Loizeau de s'interroger sur les liens qui peuvent exister entre ces deux "naufrages" : celui vécu par le père a-t-il pu jouer un rôle dans les troubles de sa fille ? "Ce ne sont pas tant les réponses qui sont intéressantes, mais les questions", selon la chanteuse brune."Ma maman a été une maman incroyable, d'un très grand équilibre tout au long de mon enfance, mais avec un fond de psychose en elle qui s'est élargi tout au long de sa vie", raconte-t-elle.
Ce sont assez logiquement des chansons assez mélancoliques et aquatiques que propose Emily Loizeau, amarrée à un piano vaporeux pour "Eaux sombres", bercée par un petit arpège de guitare et un violoncelle sur "Le fond de l'eau" et traversée de distorsions grinçantes sur l'excellente "I Once Was A Drowning Man".
L'absurdité de l'univers psychiatrique
Mais elle allège le propos en évoquant, dans d'autres chansons, les "situations parfois cocasses" ou absurdes liées au parcours en hôpital psychiatrique : ces médecins qui oublient de prendre des gants avec la famille ("Doctor G") ou les errances dans les méandres téléphoniques d'un service à l'autre ("Who Is On The Phone").Emily Loizeau a maintenant l'ambition de faire tourner "Mona" sous ses deux formes. Des concerts sont déjà programmés - Francofolies en juillet à La Rochelle, La Cigale en novembre à Paris. Mais elle espère aussi convaincre les théâtres même si, dans ce domaine, elle reste encore "une débutante".
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