Her, temps fort annoncé de Rock en Seine : portrait et entretien avec Victor Solf
Her, c’est trois lettres, un duo masculin et cinq minutes qui ont propulsé le groupe au sommet. En 2015, Apple choisit le titre “Five Minutes” pour l’une de ses publicités. Les deux amis rennais (Victor Solf et Simon Carpentier, décédé récemment), voient leur popularité exploser. Leur soul moderne et rafraîchissante, véritable ode à la féminité, n’aura pas mis longtemps à conquérir les coeurs.
“Revenir aux sources de nos influences : soul, blues, jazz”
Entre Victor et Simon, c’est une histoire d’amitié musicale qui dure. Les deux compères se rencontrent au lycée dans le groupe électro pop The Popopopops. Le quatuor, révélé en 2008 aux Transmusicales de Rennes, sort un premier album en 2013 mais se sépare peu de temps après.De cette dissolution naît le projet Her : “C’était l’occasion de nous demander ce qu’on voulait faire, Simon et moi, raconte Victor Solf. Avec Her, on a essayé de revenir aux sources de nos influences : la soul, le blues et le jazz. Ray Charles, Shuggie Otis, Marvin Gaye ou Otis Redding... Ce sont les musiques qui nous ont donné envie d’écrire.” Mais hors de question de verser dans le "revival soul" : Victor et Simon embrassent leurs influences contemporaines (James Blake, Alabama Shakes, Kaytranada…).
Le résultat : une soul teintée de pop enivrante, portée par la voix puissante de Victor et des mélodies ultra soignées. Leurs morceaux ("Blossom Roses", "Union") dévoilent des tonalités résolument modernes, où se frôlent des accents électroniques, rock et hip hop, comme sur le titre “Queens”, hymne aux femmes fortes, “reines” du 21 siècle. Tape #2, sorti en avril dernier, s'imprègne de l'actualité à l'image de "Swim", achevé lors de leur tournée aux Etats-Unis et inspiré par l'élection de Donald Trump.
Ode à la féminité
La belle réussite de Her tient aussi à leur proposition artistique complète. Un univers dandy, entièrement centré autour de la femme - d’où leur nom (“her” signifie “elle” en anglais). “On avait décidé de trouver le nom du groupe après notre phase d’écriture et de création, explique Victor Solf. On s’est donc retrouvés avec une trentaine de titres, de démos ou de titres plus aboutis, et quand on les a comparés, on s’est rendus compte que le thème de la féminité, de la sensualité revenait beaucoup. Ça nous a aussi inspirés pour le clip de notre premier titre, “Quite Like”, qu’on a co-écrit, pour le choix de la pochette… On voulait avoir un concept, un fil rouge.” Couronnement de cette démarche, le duo est choisi comme ambassadeur de la campagne HeForShe de l’ONU en mars dernier à Paris.Ce fil rouge, qui s’incarne sur scène par des costumes impeccables, guide aussi la construction des deux mini-albums. Tape #1, sorti en janvier 2016, s’ouvre avec les mots de la mère de Simon, psychanalyste : “La femme n’existe pas, mais il y a des femmes. Pas une seule femme ne peut représenter la femme. Pour la dire toute, il faudrait toutes les femmes.” Le second, Tape #2, centré autour de l'amour maternel et charnel est aussi ponctué d’interludes (poèmes, extraits de discours…), aérations réflexives invitant l'auditeur à “aller plus loin dans l’écoute des chansons.”
L'amour de la scène
Obsédé par l’harmonie, le duo travaille d’abord ses morceaux sur ordinateur, avant de les rejouer de façon organique, en studio, avec ses musiciens : “On essaie de donner corps à des productions très électroniques, de les faire exister en live, relate Victor Solf. Ça nous permet de nous rendre compte du potentiel d’une chanson.” Leur amour de la scène est imprimé dans leur chair, en témoigne la publication des versions “live” de leurs deux “tape".La dextérité du duo, capable d'assurer tant en studio que sur scène, témoigne d'une maturité musicale indéniable. Et que dire de la reprise, si juste, de "A change is gonna come", de Sam Cooke.
Endeuillé, le groupe continue pour Simon
En pleine ascension, le groupe a vécu récemment une tragédie. Le 10 juillet, Simon Carpentier révélait être atteint d’un cancer depuis plusieurs années. Le co-fondateur du duo est décédé le 13 août dernier, à l'âge de 27 ans. Mais Her ne s'arrête pas pour autant : Victor Solf a annoncé sur Facebook le maintien des concerts de leur tournée, ainsi que le bouclage de leur premier album, "plus personnel."Lors de notre interview en juillet, Victor Solf confiait déjà : “Simon vit avec sa maladie depuis toujours. C’est quelque chose qui nous a forgés." Leur disque, prévu début 2018, abordera justement leur aventure : "ça parlera du sens de notre histoire, de ce qu’on a vécu, Simon et moi, depuis le début du projet."
Leur ami, le chanteur américain Desmond Myers, a pris la relève. Sur Facebook, Victor Solf écrivait le 15 août à l'annonce du décès : "Simon était mon meilleur ami, mon collègue, mon frère d'arme. Ensemble, nous nous sommes fait une promesse. La promesse de continuer coûte que coûte cette magnifique aventure. (...) La seule chose que je souhaite au plus profond de moi, c'est de le rendre fier et d'aller au bout du rêve que nous partageons depuis maintenant 10 ans."
A Rock en Seine, sur la scène du Bosquet, samedi 26 août à 19h10, Victor et toute l'équipe de Her rendront hommage à Simon de la plus belle façon qui soit : par la musique.
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