David Byrne sort un nouvel album en forme d'utopie
"Je me suis rendu compte que j'étais de plus en plus en colère et déprimé sur l'état du monde, ou tout du moins sur l'endroit où j'habite", a confié David Byrne à l'AFP depuis son bureau du quartier de Soho, à New York, où trône son vélo bien-aimé, rangé contre des étagères de livres et de disques. "Mais parfois, j'ai remarqué des choses qui me redonnaient espoir."
Le musicien grisonnant, qui a fêté ses 65 ans, s'est mis à noter les "raisons d'être optimiste", des notes qu'il a transformées en une série de blogs et de conférences données à travers l'Europe.
Parmi ses sources d'inspiration, l'édile de Georgetown, au Texas, qui a promu les énergies renouvelables dans sa ville, alors même que le Texas, connu pour son secteur pétrolier, est particulièrement favorable aux énergies fossiles.
"Je me demande qui nous sommes"
C'est le paradoxe qu'il y a derrière "American Utopia" : David Byrne est déterminé à rester optimiste, alors même que le chanteur d'origine écossaise a été sidéré par la direction prise par son pays d'adoption."Je n'écris pas des chansons sur l'énergie éolienne, ou le vélo ou des initiatives pédagogiques. Ce serait difficile à faire", dit-il en riant. "Je me demande plutôt qui nous sommes. Qu'est-ce que je suis et quelles sont mes relations avec les autres ?"
Le titre même "American Utopia" marque un revirement pour ce pionnier de la musique new wave, capable de chanter de manière impassible des paroles absurdes dans les tubes des Talking Heads qu'ont été "Psycho Killer", "Once in a Lifetime" ou "Burning Down the House."
De l'ironie à l'utopie
Dans ses mémoires intitulés "Bicycle Diaries", sur son histoire d'amour avec le vélo, Byrne a écrit qu'à l'époque de la formation des Talking Heads il était "plus intéressé par l'ironie que par l'utopie". Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Le titre "American Utopia" n'a rien d'ironique, dit-il. Il renvoie à "une aspiration profonde des gens pour une situation meilleure que leur situation actuelle, quelle qu'elle soit, une espèce d'espoir que c'est quelque chose de possible".Les réflexions de David Byrne restent cependant pleines de sous-entendus, que ce soit sur la chanson en forme de ballade rêveuse au synthé "Dog's Mind", qui évoque les relations de la Maison Blanche avec la presse, ou l'air de rock joyeux, avec intro au saxo, de "Everybody's Coming to My House".
David Byrne a construit ses chansons sur la base d'enregistrements bruts de Brian Eno, son collaborateur de longue date et un innovateur en matière d'"ambient", un genre de musique électronique.
David Byrne joue "Everybody's coming to my house" le 10 mars au show de Stephen Colbert, entouré de musiciens et de choristes, tous pieds nus.
Des chansons créées avec Brian Eno, un vieux complice
Brian Eno avait notamment travaillé avec David Byrne sur son premier album solo, "My Life in the Bush of Ghosts" (1981), pionnier pour son utilisation de l'échantillonnage. L'album mêlait rythmes d'Afrique de l'Ouest et pop arabe, un avant-goût de l'intérêt durable de David Byrne pour les musiques du monde, qui devait l'amener à créer le label Luaka Bop."Je pense que nous sommes restés amis (avec Eno) car nous parlons souvent d'autre chose que de musique", dit David Byrne. "Du coup, ce n'est pas une relation professionnelle, ça change tout le temps."
Pour promouvoir "American Utopia", David Byrne a prévu une série de concerts aussi ambitieux selon lui que son film-concert culte de 1984, "Stop Making Sense" (il sera à Paris cet été, au festival Days Off, le 3 juillet à la Philharmonie de Paris)
Pour sa tournée, qui inclut un rendez-vous au grand festival américain Coachella en avril, il joue sur une scène minimaliste à l'extrême, avec uniquement des instruments portables. Aucune trace sur scène des habituelles caisses de transport d'instruments ou d'amplis.
Les gens qui font la musique
"Tout tourne autour de nous, et je ne dis pas cela de façon égoïste. Tout tourne autour des musiciens, des humains, des gens qui font de la musique", dit-il.David Byrne, naturalisé américain pendant la présidence Obama en 2012, explique que pour sa précédente tournée il avait dans ses bagages le célèbre ouvrage d'Alexis de Tocqueville "De la démocratie en Amérique", sur l'expérience américaine dans les années 1830.
Pendant longtemps, dit-il, il a cru que les Etats-Unis, malgré leurs imperfections, "incarnaient des idées qui inspiraient d'autre peuples à travers le monde". Aujourd'hui, cette certitude a cédé la place aux désillusions. "Maintenant, je me demande ce qu'il reste. Une part de cet espoir, de cette aspiration, est toujours là. Mais on se demande où tout cela va mener."
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