Trois cents ans de l'Opéra-Comique sur un plateau
"Si l'Opéra-Comique m'était conté" : la soirée de gala d'ouverture des célébrations des 300 ans du théâtre porte bien son titre. D'entrée de jeu, sur la scène, panneaux animés et tableaux vivants se croisent et se superposent, scénographiés de manière sobre mais ludique, pour faire défiler l'histoire.
Théâtre parlé et chanté
Et justement, raconter l'histoire de ce lieu de mémoire, c'est déjà mettre les points sur les i : ce qui voit le jour en 1714, ce n'est pas un opéra prodiguant des pièces comiques ou bouffes, même si cet esprit sera présent, mais bien un théâtre qui a le privilège, accordé par Louis XIV, de "joindre la parole au chant". En clair, c'est un théâtre parlé, entrecoupé de morceaux chantés. Rien de plus, mais suffisamment gênant pour irriter passablement les concurrents Opéra de Paris et Comédie française qui lui feront la guerre des années durant.
L'Opéra-Comique parvient tout de même à exister et en 1753 sont créés "Les troqueurs" (dont on a pu écouter ici un joli extrait) d'Antoine Dauvergne dans un théâtre forain, restauré par Boucher. Dix ans plus tard, installé cette fois à l'Hôtel de Bourgogne, il devient une institution royale. Et l'on vous conte par le menu les adversités auxquelles il fera face : rien de moins qu'une Révolution, plusieurs déménagements, un incendie (en pleine représentation du "Mignon" d'Ambroise Thomas), une reconstruction, deux guerres et une occupation étrangère (comme tout le monde), et une fermeture…
Michel Fau parfait en Diva narratrice
Et tout cela vous est efficacement raconté par le narrateur, Michel Fau, et sa bande de joyeux complices. Avec, en tête, celui qui dirige la maison depuis 2005, Jérôme Deschamps (l'homme cèdera bientôt sa place à Olivier Mantei, jusque-là son adjoint et maître d'œuvre de la programmation musicale), et les comédiens tout aussi drôles, Christian Hecq et Julien Lubek. Michel Fau n'est pas là par hasard.
Ami de l'Opéra-Comique, le comédien, inséparable complice d'Olivier Py au théâtre, est aussi un passionné d'opéra dont il a mis en scène plusieurs ouvrages : "Tosca", "Madame Butterfly" ou "Cosi fan tutte". Et endosse avec plaisir le costume de la Diva dans son "Récital emphatique". Pas étonnant qu'il porte aussi bien les habits des rôles-titres des opéras qui défilent au cours de cette rétrospective. Nos préférés : quand il est en Carmen ou en Mélisande…
Au menu de sa narration, une présentation en bonne et due forme des œuvres majeures du répertoire, scandée avec sérieux… ou accompagnée par des sketches d'humour potache ou clownesque, offrant une foule d'anecdotes historiques. On apprend par exemple que si Richard Wagner et sa "Défense d'aimer" n'ont pas été retenus par le directeur du théâtre, "Carmen" faillit ne pas l'être non plus ; ou que son auteur, Bizet, meurt lors la 33e représentation de sa scandaleuse histoire bohémienne, et enfin qu'Offenbach lui aussi s'éteint, mais cette fois quatre mois avant la première des "Contes d'Hoffmann" !
Les incontournables de l'Opéra comique
La soirée est rythmée par ces extraits d'œuvres, mis en scène par le même Michel Fau, dirigés par François-Xavier Roth et interprétées par des voix habituées à ces répertoires. Ce sont les incontournables de l'Opéra-Comique : parmi eux évidemment "Carmen", ouvrage le plus joué dans ce théâtre (2906 fois), comme dans le monde, hier soir interprété notamment par Anna-Caterina Antonacci. Autre indispensable, "La fille du régiment", chanté par une Julie Fuchs drapée dans les trois couleurs, ouvrage français de l'Italien Donizetti réunissant toutes les qualités pour le lieu : virtuosité musicale, efficacité théâtrale et un peu de bouffonnerie s'il vous plaît…
Dans les autres best-of éblouissants d'hier soir signalons une "Lakmé" très indienne incarnée par Sabine Devieilhe (qui avait au début de l'année interprété ce rôle avec succès), le "Manon" de Massenet, deuxième titre le plus joué dans le théâtre (l'émouvante Patricia Petibon seule et aux côtés de Frédéric Antoun), "Pelléas et Mélisande" de Debussy avec le duo de barytons Stéphane Degout avec Vincent Le Texier (on se souvient également avec plaisir de la version récemment présentée ici par Louis Langrée) et, œuvre la plus récente du répertoire de jeudi soir, "La voix humaine" de Poulenc (1959), chantée par Anna Caterina Antonacci. Le dernier tableau, magique, aux multiples couleurs, restera tel un superbe générique de fin : l'air de "La barcarolle" des "Contes d'Hoffman" d'Offenbach, chanté en cœur par tous les artistes, immobiles…
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