Olivier Py offre une nouvelle jeunesse à la "Pénélope" de Fauré
Olivier Py présente sa démarche sur la scène de l’opéra du Rhin à Strasbourg comme une sorte de diptyque après le travail réalisé la saison passée sur "Ariane et Barbe bleue" de Paul Dukas (sur le live de Culturebox). Il poursuit ainsi avec Marc Clémeur, le directeur de l’opéra sa démarche de redécouverte de la musique française du début du XXe siècle souvent négligée sur les scènes lyriques.
Ainsi "Pénélope" de Gabriel Fauré nous donne à voir et à entendre l’histoire du retour d’Ulysse à Ithaque. Pénélope pressée par les prétendants est à la limite de craquer au moment où son mari voyageur est de retour mais ne se dévoile pas tout de suite à elle. Il faudra attendre la fameuse épreuve de l’arc d’Ulysse et de l’exécution des prétendants par le maître des lieux pour que les époux se retrouvent.
Gabriel Fauré et son librettiste René Fauchois ont choisi de resserrer l’action ou tout au moins les personnages. Le fils d’Ulysse, Télémaque et le chien fidèle, Argos, premier à reconnaître son maître à son retour, sont absents de la distribution originelle. Olivier Py a pris le parti de redonner à chacun sa place dans cet épisode de l’Odyssée. Le chien fait en ouverture une apparition, et Télémaque est l’objet d’un rôle muet (très, trop ?) présent tout au long des trois actes. Olivier Py va jusqu’à évoquer les grands épisodes du périple d’Ulysse. Poséidon, sirènes et Cyclope apparaitront sous forme de pantomime et ombres chinoises.
Olivier Py et son complice Pierre-André Weitz pour les décors et les costumes en sont coutumiers. Ils plantent comme une signature récurrente, un univers noir et blanc au jeu très cinétique. Le décor aux panneaux circulaires et concentriques posés sur un plan d’eau tourne régulièrement, couvrant et découvrant des perspectives découpées, permettant la juxtaposition d’actions sur plusieurs niveaux, scènes orgiaques et désolation de Pénélope, par exemple. Comme des roues dentées d’horloge les panneaux circulaires font entrer les personnages et les spectateurs dans cette notion de temps qui s’est écoulé depuis le départ d’Ulysse (10 ans) et cette attente des retrouvailles avec Pénélope qui adviendra à la fin du troisième et dernier acte.
Une musique au caractère unique
Gabriel Fauré a mené une carrière davantage tournée vers la musique de chambre, ne dédaignant pas le chant. Il composa sur le tard cette "Pénélope" créée en 1913 sur la scène du théâtre des Champs Elysées à Paris et en 1923 sur la scène alsacienne. Peu monté, l’ouvrage ne peut que susciter la curiosité et le plaisir de découvrir une page lyrique à la fois très française et non dénuée d’influences wagnériennes dans ses continuités orchestrales. L’œuvre vaut aussi par l’engagement important presque écrasant nécessité par le rôle titre.La soprano Anna Caterina Antonacci a déjà chanté le rôle. Elle s’empare avec vaillance de cette partie relayée par les douceurs de Marc Laho en Ulysse convaincant. Leur duo de la fin du deuxième acte en est le sommet. Seuls Edwyn Crossley-Mercer et Martial Defontaine sortent du lot des prétendants, mais il est vrai que la partition laisse peu de place aux rôles secondaires. Enfin dans la fosse Patrick Davin à la direction de l’orchestre symphonique de Mulhouse porte avec attention la musique de Gabriel Fauré, sans pour autant éviter par moment les risques d’écraser les voix. Mais la musique de Fauré, alternant petites formes et grandes envolées orchestrales pleines de tensions, emporte l’adhésion et le plaisir de découvrir ou redécouvrir ce patrimoine musical qui clôt en quelque sorte la fin du XIXe siècle musical, à la veille de la première guerre mondiale.
Reportage : Olivier Stéphan, Philippe Dezempte, Aurélien, Caroline Singer
"Pénélope" de Gabriel Fauré à l’Opéra National du Rhin, jusqu’au 3 novembre.
Puis à la Filature à Mulhouse les 20 et 22 novembre.
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