Luciano Pavarotti : 7 anecdotes improbables qui prouvent que sa vie est un roman
Le monde de l'opéra n'oublie pas. Vendredi 9 septembre, France 3 diffusera en première partie de soirée "Pavarotti, le concert des étoiles", un show inédit de plus de deux heures en mémoire de Luciano Pavarotti (1935-2007), mort il y a neuf ans d'un cancer du pancréas. Accompagnés par l'Orchestre de l'Opéra de Marseille et sous la direction de Yvan Cassar, neuf solistes reprennent les plus grands airs de son répertoire, de Puccini à Donizetti, en passant par Verdi ou encore Bernstein. Considéré comme l'un des plus grands ténors du XXe siècle, si ce n'est le plus grand, Pavarotti a incarné la splendeur du bel canto. Doté d'un timbre unique et solaire, il n'a par ailleurs jamais eu peur de populariser l'art lyrique, que ce soit lors des grands concerts des Trois Ténors avec Placido Domingo et Jose carreras ou aux côtés de son pote Bono et autres vedettes de la variété internationale.
Jamais un chanteur lyrique n'a été autant médiatisé. Certains de ses shows ont été vus par des millions de téléspectateurs. Mais derrière la voix, il y a un personnage dont l'existence s'apparente à celle d'un personnage de roman. La preuve en sept anecdotes (parfois improbables) racontées.
Luciano est allé trouver le ténor Arrigo Pola qui, devant le talent vocal, musical et intellectuel du jeune homme, a accepté de le prendre sous son aile. Mais au bout de trois ans, le jeune Pavarotti n'est toujours pas récompensé de ses efforts. De son côté, Adua Veroni, sa fiancée, vit de son métier d'institutrice. Patiente, elle attend le jour où Luciano aura une situation stable et lui demandera sa main. Luciano n'accepte pas ce déséquilibre. C’est décidé, il va gagner de l’argent tout en poursuivant ses cours de chant! Mettant à profit son diplôme d’instituteur, Luciano commence à donner des cours dans une école primaire. La fibre éducative atteint rapidement ses limites. Seuls les cours de sport lui sont agréables. Il abandonne le poste et trouve une nouvelle voie de reconversion pour le moins inattendue : démarcheur pour une compagnie d’assurance. Cette mission se révèle rentable. Avec 300 dollars par mois, Luciano rassemble un petit pactole. Le spectre de la pression sociale s'éloigne. Mais sa nouvelle activité lui demande de beaucoup parler. Petit à petit, sa voix se fatigue et se voile. Un nouveau choix s’offre à Luciano : vendre ou chanter. Se souvenant des conseils du maître Pola, il laisse tomber les assurances. La suite lui donnera raison.
Novembre 1968. Pavarotti est devenu un ténor reconnu. Trois ans plus tôt, il a joué dans La Bohème à la Scala de Milan, temple de l'opéra italien. Son nom est entre-temps arrivé aux oreilles du patron du Metropolitan Opera de New York, Rudolph Bing, qui l'a invité à jouer chez lui. Maleureusement, Luciano attrape la grippe une semaine avant la première. La fièvre monte, l’angoisse aussi. C'est une catastrophe! S'il arrive à tenir le coup le premier soir, le génie souffre d'une extinction de voix et s'effondre sur scène à la deuxième représentation. Rodolfo, ce rôle porte bonheur, l’a lâché. Pavarotti en est sûr, il a manqué son unique chance de voir un jour son nom figurer au panthéon des ténors. Raté. Le 17 février 1972, il triomphera dans ce même Met avec "La fille du Régiment", relevant au passage un défi de taille : chanter les neuf contre-ut successifs de l’air "Ah! mes amis, quel jour de fête!" tels qu’ils ont été écrits en 1840 par Gaetano Donizetti. Personne ne l’avait jamais fait avant lui. En quelques secondes, il balaye la concurrence. Le Met est debout, dans un état second. Dix-sept rappels suivent cette interprétation extraordinaire. Luciano succède à ces monstres du bel canto que sont les Mario del Monaco, Giuseppe Di Stefano, Carlo Bergonzi.
"Je sais que beaucoup de gens attendent ces contre-ut comme on attendrait, au cirque le triple saut périlleux, sans filet, du trapéziste [...] Mais moi je ne le fais pas pour satisfaire le goût morbide d’un public, mais pour Donizetti. Il faut bien que quelqu’un traduise son oeuvre non?" écrit-il dans son autobiographie "De Vive voix". Modeste le garçon.
22 décembre 1975. Pavarotti est dans le vol qui le ramène de New York vers Milan. Depuis un an, le bonheur s’est enfui. La notoriété, la musique, sa famille - il a trois filles -, plus rien ne compense un mal être dévorant. "J’étais malade. Gravement atteint de mélancolie. Un dégoût de tout. En un mot : une dépression", expliquera-t-il en1996. De plus, ses allers et venues aux quatre coins du monde l’obligent à beaucoup prendre l’avion dont il a une peur bleue. Ce retour à deux jours de Noël constitue une énième épreuve. Heureusement, le Boeing 707 a entamé la descente. Les passagers n'imaginent pas que, dans le cockpit, les pilotes ignorent combien de mètres les séparent de la terre ferme. La faute au brouillard épais. Soudain, le choc. Tous sont propulsés sur le côté. Dans la panique et les cris, les secousses se multiplient. L’aile droite de l'avion frappe le sol. L'épave poursuit sa course hors de la piste, se casse en deux puis s’arrête. Seuls quelques blessés sont à déplorer. Petit miracle. Et un double pour Pavarotti. Choqué lorsqu’il est pris en charge par les secours, il se rend compte qu’il est guéri de sa dépression.
"C’était la deuxième fois que je voyais la mort en face. La première avait été cette mystérieuse maladie, dans mon enfance. [...] Et cette deuxième fois, en quittant l’aéroport, je me suis dit, en me rappelant les questions idiotes que je me posais depuis un an : Dio mio, quelle folie.", confie-t-il à la journaliste Eve Ruggiéri ("Pavarotti", 2007). Pour l'anecdote, Pavarotti a poursuivi en justice la compagnie Boeing et a touché un million de dollars de dommages et intérêts au bout de six ans de procès.
Après 1972 et son succès au Met de New York, Pavarotti devient parallèlement une vedette de télé aux Etats-Unis. Il enchaîne les records d’audience cathodique, une situation inédite pour un chanteur lyrique. De nouvelles propositions commencent à affluer, très éloignées des ors des salles d'opéra. La multinationale American Express lui demande par exemple d’être le protagoniste d’un spot publicitaire. Pavarotti hésite, se demande si ce mélange des genres ne va pas nuire à son image, à sa carrière. Mais vu que Pelé, son idole, avait accepté ce type de défi au nom du football, il se dit qu'après tout, pourquoi pas lui. Des millions d’américains découvrent un Pavarotti habillé en Rodolfo, son personnage fétiche, s’adresser directement à eux : "Do you know me ?" Pépite.
Pavarotti ne se cantonne pas à la pub. En 1982, il va même jusqu’à tenter sa chance à Hollywood. On le contacte pour le rôle principal d’un film musical, Yes Giorgio. Franklin Schaffner, qui s’est distingué avec "Que le meilleur l’emporte" et "La planète des singes", est aux commandes de ce projet qui bénéficie d’un budget de 19 millions de dollars. L’histoire, celle d’un ténor réputé qui fait carrière aux États Unis et qui perd la voix, parle à Luciano. Pas de chance, le film est un fiasco commercial et critique. " Ils ont été totalement hostiles. En fait, ils m’ont assassiné. Et je suis d’accord avec eux. Ce film n’était pas bon, les scènes comiques tombaient à plat. Mon personnage était faux, sans réalité. On a essayé de le rendre proche de moi, mais il ne me ressemblait pas. [...]", se justifiera Pavarotti dans son autobiographie. Après ça, il abandonne le cinéma. Peut-être pas le plus mauvais choix de sa carrière artistique. Ce dernier aperçu devrait définitivement vous convaincre.
1986. Luciano doit donner un concert en Chine. Il est prévu qu’il soit accompagné des vainqueurs du concours de chant de Philadelphie, créé par lui six ans plus tôt, et de l’orchestre de l’opéra de Gênes. A quelques jours du départ, Pavarotti veut pourtant tout annuler. On lui a raconté que la nourriture en Chine était infâme. Pour lui, il n’y a rien de pire que l’idée de devoir s’affamer. Il est toutefois trop tard pour faire machine arrière. Luciano demande alors aux chefs d’un restaurant génois réputé de délocaliser leur cuisine en Chine, le temps du séjour. Leur mission : nourrir les 300 personnes qui sont parties prenantes de la tournée. Le chargement de l’avion relève du délire. Aux traditionnelles machines à expresso, coupe-jambons et autres marmites qui suivent Pavarotti à chaque déplacement s’ajoutent des quantités phénoménales d’aliments et de matériels. Pâtes, ail, citrons, patates, melons, tomates, poulets crus, saucisses, jambons de Parme, gorgonzola, parmezan, pecorino, sont stockés par kilos dans les soutes de l'appareil. Ils sont rapidement rejoints par des milliers de litres d’eau minérale et de Lambrusco, des plaques chauffantes, un four et des frigos. Sur place, les chefs italiens tiennent une semaine, au rythme de deux repas par jour, avant de jeter l’éponge.
Son agent pendant 36 ans Hebert Breslin (lui et Pavarotti se brouilleront en 2005) rapporte dans on livre "Le roi et moi" (2004) : "[...] son sujet de prédilection, c’est à dire le boire et le manger. Luciano ne pense qu’à ça, tout le temps. Ce n’est pas juste qu’il aime manger : il aime sentir les aliments, les toucher, préparer les repas, penser à la nourriture, en parler."
"Pavarotti, le concert des étoiles" : Vendredi 9 septembre à 20h55 sur France 3
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